Équipe de France : pourquoi la classe biberon prend le pouvoir

Adrien Rabiot face à la Côte d'Ivoire (1280x640) FRANCK FIFE / AFP
Adrien Rabiot fait partie des quinze joueurs de moins de 24 ans déjà appelés par Didier Deschamps. © FRANCK FIFE / AFP
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Julien Froment , modifié à
Le sélectionneur national Didier Deschamps va annoncer jeudi la liste des 23 joueurs retenus pour affronter le Luxembourg et l’Espagne, les 25 et 28 mars prochain.

C’était quasiment devenu une vérité établie : Didier Deschamps ne fait pas confiance aux jeunes. Si cette affirmation était encore valable il y a quelques années, lorsque Didier Deschamps, "entraîneur en club", officiait à l’Olympique de Marseille ou à l'AS Monaco, cela l’est beaucoup moins avec Didier Deschamps sélectionneur national. Sur ces huit derniers mois à la tête des Bleus, "DD" a en effet fait appel à quinze joueurs de moins de 24 ans. Un vrai phénomène, qui pourrait se poursuivre jeudi, avec la possible convocation du Monégasque Kylian Mbappé, 18 ans et acteur majeur de la qualification de l'ASM en quarts de finale de la Ligue des champions aux dépens de Manchester City.

 

La DTN récolte les fruits de sa réforme. La France a toujours été un maître-étalon en matière de formation, mais après l’échec retentissant de Knysna notamment, quelques modifications ont dû être opérées pour relancer la machine. "Il serait présomptueux de dire qu’on a tout changé. La France n’est pas devenue un pays formateur du jour au lendemain", rappelle au micro d'Europe 1 l’actuel Directeur technique national (DTN), François Blaquart, un temps suspendu de son poste après l'affaire des quotas au printemps 2011*. "L’idée, c’est de se remettre en question, notamment sur l’organisation, pour permettre au joueur d’être dans les meilleures conditions pour avoir une chance d’être, éventuellement, un très bon joueur. Nous, on régule tout ça. Nous avons opté pour un courant plus axé sur le jeu, le collectif."

Des structures plus solides, des joueurs plus expérimentés. Ce changement de paradigme s’inscrit dans une politique plus globale, ou la préformation fédérale est prépondérante. Des structures ont été installées dans les collèges notamment, "plus de 1.000 l’an passé" précise ainsi François Blaquart. "Le gamin, il va à l’école, il fait du foot et il rentre chez lui, ce sont des programmes très équilibrants. Et on remarque que les gamins qui arrivent dans les détections proviennent essentiellement de ces programmes." Il y a aussi les pôles espoirs, disséminés aux quatre coins de la France. "C'est un réseau qui marche bien, un réseau expérimental qui a l’avantage de s’occuper du jeune, et non de l’équipe. Ils sont préparés à la formation et au centre de formation", précise François Blaquart, en poste jusqu'au 31 mars prochain.

De la place pour les jeunes dans les clubs français. Le facteur économique entre lui aussi en jeu. Les clubs de Ligue 1, mis à part peut-être le PSG, ne sont pas en mesure de garder leurs meilleurs joueurs. "Nous sommes le plus grand exportateur de joueurs de haut niveau (116 selon le CIES, la France est même devant le Brésil, ndlr) et cette expatriation permanente des talents fait qu’il y a de la place à prendre", analyse François Blaquart.

"Les présidents de clubs ont pris conscience, ils se sont engagés à investir sur la formation". Un investissement qui peut, à moyen terme, porter ses fruits, sur le terrain bien sûr (Thomas Lemar formé à Caen et qui brille à Monaco, Adrien Rabiot et Presnel Kimpembe au PSG, si l'on ne s'arrête que sur la seule génération de joueurs nés en 1995), mais aussi pour les finances du club. Les exemples récents sont légion : Ousmane Dembélé, formé à Rennes et parti à Dortmund pour 30 millions d’euros, Samuel Umtiti, formé à Lyon, parti au FC Barcelone pour 30 millions d’euros également.

Des titres en pagaille chez les jeunes. Le résultat est sans équivoque et les équipes de France jeunes cartonnent dans toutes les grandes compétitions internationales : championne du monde en 2013 avec la génération 1993 (celle de Paul Pogba, ndlr), championne d’Europe U17 en 2015 (Celle d’Odsonne Édouard, attaquant de Toulouse, ndlr) et U19 l’été dernier avec la génération 1998 (celle du Monégasque Killian Mbappé, ndlr). François Blaquart conclut : "on s’aperçoit statistiquement que plus nos sélections de jeunes sont performantes, plus il en résultera de bons résultats sur le football professionnel et évidemment sur l’équipe de France, qui n’est que l’émanation de tout le système qu’il y a en-dessous."

*Le site Médiapart avait accusé la Fédération française de football d'avoir eu l'intention de mettre en place une politique de quotas pour limiter le nombre de jeunes footballeurs jouant à la fois dans la sélection de leur pays d'origine et dans la sélection française. Une enquête de l'Inspection Générale de la Jeunesse et des Sports avait mis fin à la contreverse en éliminant tout caractère discriminatoire dans la formation des sélections tricolores.