Pourquoi Paris-Roubaix est la plus belle

© REUTERS
  • Copié
, modifié à
CYCLISME - La 111e édition de l'"Enfer du Nord" a lieu dimanche, entre Compiègne et Roubaix.

C'est une incongruité sportive, presque une aberration de l'Histoire : un peloton de plus de 190 coureurs lancés à plus de 40 km/h sur des pavés et un vainqueur sacré sur un vélodrome à découvert. Un terrain, des lieux, des éléments majeurs d'une course mythique qui traverse les décennies sans prendre une ride. Si le Tour de France est le plus grand des feuilletons, Paris-Roubaix reste le plus beau des drames.

Trouée d'Arenberg (930x620)

© REUTERS

Des décors savoureux. Paris-Roubaix, c'est d'abord et avant tout les pavés. Les premiers jaillissent au niveau de Troisvilles, après une petite centaine de kilomètres de course et le passage devant "Chez Françoise", célèbre restaurant qui fait figure de haut lieu de l'épreuve. Roubaix, c'est aussi le fameux Carrefour de l'Arbre, le dernier juge de paix, investi par les supporters de tous les pays à un point tel que des mesures de sécurité ont même dû être prises. Ici, ça sent la bière, les frites mais par dessus tout l'amour du cyclisme. Et puis, il y a la trouée d'Arenberg (non, on ne dit pas tranchée, photo), 2,4 kilomètres creusés dans les bois, d'où le terme. Pour tous les amateurs d'images mystiques, c'est le rendez-vous à ne pas manquer. On vous aide, ce sera vers 14h15. Ici, la course sur route fraie avec le VTT et les chutes et autres crevaisons défraient régulièrement la chronique. Le cyclisme entre terre et amer.

Museeuw vainqueur en 2000 (930x620)

© REUTERS

Des sourires et des larmes. Du sang et de la sueur, souvent mêlés. Paris-Roubaix n'est pas une course comme les autres. Un homme symbolise la saveur et la douleur de cette course : le Belge Johan Museeuw. En 1998, le "Lion des Flandres" est victime d'une fracture de la rotule et manque ensuite de perdre son genou gauche. Deux ans plus tard, il revient, plus fort que jamais, et s'impose en solitaire, genou gauche en l'air (photo). Son compatriote Tom Boonen l'a imité, l'an dernier. Après avoir dû abandonner en 2011, il réalise un quadruplé historique avec Gand-Wevelgem, GP E3, Tour des Flandres et Paris-Roubaix. La "reine des classiques" ne s'offre pourtant pas facilement. Il faut savoir souffrir pour remporter la belle. Fabian Cancellara, grand favori cette année en l'absence de Boonen, a déjà chuté deux fois cette semaine sur la route de son doublé Flandres-Roubaix. La chute, partie intégrante du destin de ceux qui souhaitent maîtriser l'"Enfer du Nord".

Paris-Roubaix 2012 (930x620)

© REUTERS

Un environnement hostile. Comme toutes les courses cyclistes, Paris-Roubaix est soumis aux aléas de la météo. Mais ici, le phénomène se conjugue à la puissance deux. Soleil et chaleur : et c'est la poussière qui envahit corps et machines. Froid et pluie : c'est la boue et les muscles engourdis. Et, partout, le risque de la chute, notamment sur les 52,6 kilomètres de sections pavées, représentant un gros cinquième du parcours (254 kilomètres entre le lieu de départ historique, Compiègne, et le vélodrome de Roubaix). A l'issue des quelque six heures d'efforts, ceux qui auront réussi à dompter les éléments (moins de la moitié des coureurs en moyenne) auront accès aux douches du vélodrome de Roubaix, mythiques autant que spartiates. Logique, quand on sait les efforts auxquels il faut consentir pour avoir le privilège d'y goûter.

Duclos-Lassalle en 1993 (930x620)

© REUTERS

Un suspense total. Il y a 20 ans jour pour jour, un vieux guerrier tricolore du nom de Gilbert Duclos-Lassalle remportait son deuxième Paris-Roubaix à l'âge canonique de 38 ans et 8 mois. Cette année-là, le coureur de l'équipe Gan l'avait emporté au sprint pour... un centimètre devant l'Italien Franco Ballerini. Roubaix, ce ne sont pas seulement des chevauchées en solitaire "à la Cancellara". C'est aussi des batailles tactiques homériques sur le vélodrome... Un autre souvenir franco-français nous revient forcément à la surface, celui de cet incroyable sprint remporté par Frédéric Guesdon en 1997, à la surprise générale. Guesdon, celui-là même qui détient avec l'Américain George Hincapie le record de participations à l'épreuve, avec 17. Quand on vous dit que Paris-Roubaix est une question de passion et de fidélité, deux notions qui nourrissent les plus belles histoires d'amour autant que les plus belles courses.