Dopage en 1998 : le foot ménagé ?

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DOPAGE - Les révélations du rapport sénatorial concernent essentiellement le cyclisme.
Ronaldo face à la France (930x620)

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La publication du rapport d'enquête sénatoriale sur la lutte contre le dopage a (re)mis en lumière les pratiques du peloton cycliste à la fin des années 1990. La plupart des coureurs ayant brillé sur le Tour de France 1998 ont ainsi été convaincus, par recoupement, de dopage à l'EPO. Ce Tour 1998, marqué par l'affaire Festina, avait débuté le 11 juillet 1998, à la veille du 12, donc, date de la finale de la Coupe du monde 1998, entre la France et le Brésil (3-0). Il aurait été évidemment intéressant de constater si les pratiques qui avaient cours dans le peloton étaient l'exclusivité ou non du cyclisme. Oui mais, alors que les échantillons d'urines des coureurs du Tour 98 ont été conservés au laboratoire de Châtenay-Malabry à des fins de recherches, grâce à la ténacité du ministère des Sports, ceux prélevés lors du Mondial ont tout simplement été détruits, à la demande de la Fifa, organisatrice de la compétition.

"Destruction de preuves"

Cette différence de traitement entre les sports, l'ancien directeur de l'Agence mondiale antidopage (AMA), le docteur Alain Garnier, la regrette dans les colonnes du quotidien L'Equipe. "Si, à l'époque, le ministère des Sports avait accédé à la demande de M. Verbruggen (alors président de l'Union cycliste internationale), qui était de détruire tous les échantillons du Tour de France quarante-huit heures après les résultats, tout cela serait resté inconnu de tous, y compris les échantillons positifs de Lance Armstrong, qui constituent pourtant la seule preuve scientifique du rapport de l'Usada (agence américaine antidopage). Cependant, en cette même année 1998, cette exigence de destruction de preuves a été accordée à la Fifa à l'issue de la Coupe du monde de football. Le foot, lui, a eu droit à l'impunité..."

Les pressions subies par Buffet

Buffet à l'Assemblée (930x620)

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Lors de son audition par les sénateurs dans le cadre de la commission d'enquête, la ministre des Sports de l'époque, Marie-Georges Buffet, avait avoué avoir subi des pressions. "Lorsque nous déclenchons un contrôle sur l'équipe de France de football qui était en préparation à Tignes, j'ai tous les médias qui me tombent dessus de façon très violente puisque j'empêche l'équipe de France de se préparer dans de bonnes conditions. Il y a eu un déferlement médiatique", a-t-elle insisté. "Je vous le dis, dans les heures qui ont suivi, j'ai flanché. Je me disais : "est-ce que je n'ai pas fait une erreur ?" J'ai été mise au ban et j'ai eu le sentiment que nous étions complètement isolés et qu'on était condamné par l'opinion, qu'on avait perturbé l'équipe de France de football dans sa préparation." A l'été 1998, il y eut donc des pressions mais également quelques suspicions...

L'ancien docteur des Bleus, Jean-Pierre Paclet, en avait déjà mis quelques-unes en exergue dans son ouvrage, L'implosion, en 2010. "Ce n'est pas une révélation. Il y avait eu le procès de Turin, où les chiffres étaient dans les actes du procès", a-t-il souligné cette année lors de son audition. "C'étaient ceux qui jouaient à la Juve, Deschamps et Zidane, c'est sûr, qui présentaient des variations qui semblaient un peu anormales. Un spécialiste italien avait même dit que ça ne pouvait être que la conséquence de prises exogènes d'EPO. Mais quand c'est sorti, en 2002 je crois, on ne touchait pas aux icônes. (...) Ce n'étaient pas forcément les pratiques du staff de l'équipe de France, plutôt celles des clubs où les joueurs jouaient." A l'époque, Zidane et Deschamps - auditionné par la commission du Sénat mais à huis clos, à sa demande - avaient un taux d'hématocrite supérieur à 50%. Ce qui ne leur aurait pas permis de prendre le départ du Tour de France.

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Evidemment, ces différences de traitement entre le cyclisme et le football - "on ne trouve que si on cherche", insistent certains observateurs - irritent en premier lieu les coureurs. Réagissant à l'article de L'Equipe, vendredi, le coureur de l'équipe Sojasun, Jimmy Engoulvent, a publié sur son compte Twitter la Une du quotidien du 13 juillet 1998, lendemain de la victoire en finale de la Coupe du monde, en ironisant sur le titre : "Pour l'éternité". Oui, les preuves scientifiques d'éventuelles pratiques dopantes lors du Mondial 1998 ont disparu à jamais.

Lors de l'entretien qu'il nous avait accordé à l'occasion de la sortie de l'ouvrage Dopage dans le football, le docteur Jean-Pierre de Mondenard avait souligné : "est-ce que vous connaissez un PDG qui est délégué syndical ? Non, et bien, dans le football, ça se passe comme ça. Ce sont les fédérations qui doivent se tirer une balle dans le pied. Et donc elles tirent systématiquement à côté." Pour les observateurs du sport aujourd'hui, une seule mesure s'impose : externaliser les procédures de contrôle. C'est le sens de l'une des propositions formulées par la commission d'enquête du Sénat, qui souhaite renforcer le pouvoir de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) aux dépens des fédérations sportives. Et notamment celles de football.