Beyou : "Il faut que je gagne"

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Rédaction Europe1.fr , modifié à
Après un premier Vendée Globe trop vite terminé pour cause d'avaries de barres de flèches, Jérémie Beyou, qui n'a plus de sponsor, fait son retour sur un 60 pieds à l'occasion du Record SNSM. Michel Desjoyeaux l'a en effet choisi pour le seconder sur la prochaine Jacques-Vabre à bord de Foncia, une occasion rêvée pour le skipper de la baie de Morlaix de s'enrichir auprès du double vainqeur du Vendée Globe, course à laquelle il entend bien participer en 2012.

Après un premier Vendée Globe trop vite terminé pour cause d'avaries de barres de flèches, Jérémie Beyou, qui n'a plus de sponsor, fait son retour sur un 60 pieds à l'occasion du Record SNSM. Michel Desjoyeaux l'a en effet choisi pour le seconder sur la prochaine Jacques-Vabre à bord de Foncia, une occasion rêvée pour le skipper de la baie de Morlaix de s'enrichir auprès du double vainqeur du Vendée Globe, course à laquelle il entend bien participer en 2012.Jérémie Beyou sur Foncia, comment cela s'est fait ?Comme je cherche à repartir sur un Vendée Globe et sur la construction d'un nouveau bateau, j'ai voulu me poser les bonnes questions en amont: quel type de bateau construire ? Quel type de process de conception suivre ? Quelle organisation d'équipe à avoir ? Et il me semblait que la personne la plus à même de me répondre, c'est Mich car il y a est allé deux fois, deux fois brillamment. Il a un savoir-faire, possède son écurie Mer Agitée qu'il essaie de conserver et de pousser, la question était de savoir s'il voulait ou non en faire profiter à d'autres. Donc à la base, c'est une démarche technique de ma part. C'était clair que sur le dernier Vendée Globe, Michel avait plus d'expérience que moi, plus de moyens aussi ce qui est normal au vu de son vécu, à son contact, je peux tirer des enseignements des erreurs que j'ai faites et de leur réussite à eux. Après, je ne lui ai jamais demandé de faire la Jacques-Vabre, mais il lui a semblé plus intelligent dans cette optique que je navigue avec lui, je prends ça avec plaisir !Quelles erreurs avez-vous faites dans la préparation de votre Vendée Globe ?Peut-être dans l'approche de la construction du bateau. Vouloir aller vite, ce n'était pas forcément la meilleure solution, même si c'était un impératif du sponsor (Delta Dore voulait participer à la Route du Rhum, ndlr). Et on se rend compte qu'en cherchant à économiser de l'argent au départ, on n'en a pas forcément économisé à l'arrivée, c'est une grande leçon à tirer. C'est à mon avis mieux quand tu investis dans plus de matières grises au départ, tu prends plus de temps, tu fais recalculer les calculs des architectes par un cabinet indépendant... Finalement, vous voilà intégré à Mer Agitée, comme ont pu l'être en leur temps Vincent Riou ou Sébastien Josse ?Quand j'ai gagné la Solitaire (en 2005 devant... Michel Desjoyeaux, ndlr), j'avais déjà mis un pied chez Mer Agitée car j'avais fait la Transat Jacques-Vabre avec Vincent (Riou) et il avait été question que je reste dans Mer Agitée et que je construise mon bateau dans le moule de celui de Vincent, entre le sien et celui de Mich. Le problème, c'est qu'il fallait que je fasse la Route du Rhum, Vincent aussi, ça ne s'est pas fait pour une question d'outillage. Donc j'ai fait mon truc dans mon coin, mais c'est une discussion qu'on avait déjà engagée et c'est un peu la continuité aujourd'hui. Techniquement, ils sont les mieux armés. Après, est-ce que je viens juste avec mes bottes ou est-ce que j'essaie de faire travailler mon équipe en synergie avec la leur ? C'est un peu prématuré pour répondre. Mais dans l'optique d'un projet de Vendée, tu as plus de visibilité et de chance de croiser des gens et des partenaires avec Mich que tout seul dans ton coin. Ça ne veut pas dire qu'il m'a trouvé un sponsor pour le Vendée, mais il y a une sorte d'accompagnement, de promotion."Plus il gagne, plus il a faim !"Vous avez navigué pour la première fois ensemble mardi lors du convoyage vers Saint-Nazaire, ressentiez-vous une certaine appréhension, une peur de mal faire ?Non, mais tu évites de la ramener, ce n'est pas ton bateau, les choix, tu ne les a pas faits, et les réflexes que tu as avec ton bateau ne sont pas les mêmes, donc il vaut mieux écouter, comme si tu étais un béotien et que tu ne connaissais rien, et demander comment on fait à Mich ou à son équipe. Ça évite de faire trop de conneries et de passer pour la star qui débarque.Que pensez-vous de votre côté être en mesure de lui apporter ?(Longue hésitation). Ce que je sais, c'est que je suis ultra-motivé pour faire la Jacques-Vabre avec Mich et découvrir son fonctionnement. Certains disent qu'il a tout gagné et donc qu'il n'a pas la gniaque, je pense que ce n'est pas vrai, j'ai l'impression que plus il gagne, plus il a faim ! Et moi, je n'ai pas gagné depuis un bout de temps, j'ai soif de montrer ce que je sais faire. Un bateau comme ça, je suis capable de le mener tout seul, donc a fortiori en double, ça devrait aller. Peut-être que lui va pouvoir se reposer sur moi pour la marche du bateau et se concentrer sur autre chose, il voulait quelqu'un d'autonome. Ce qui est certain, c'est que vous serez attendus au tournant sur la Jacques-Vabre, d'autant que Michel Desjoyeaux est le tenant, cela ajoute-t-il de la pression ?Je viens sur ce projet-là pour faire bien mon boulot, de façon discrète et efficace, m'engager à fond dans la marche du bateau. Si ça je le fais bien, que Mich est bon à côté et qu'on ne fait pas trop de conneries, peut-être qu'on gagnera des courses, et je pense que c'est en gagnant des courses que j'arriverai à faire le prochain Vendée Globe. Le challenge est dur, ça veut dire que je ne compte que sur moi.Avez-vous déjà senti des différences entre Foncia et votre ancien Delta Dore ?Oui. Disons que mon bateau est le plan générique de chez Farr, on s'en est tenu là parce qu'on n'avait pas beaucoup de temps et un budget limité, alors que chez Mer Agitée, ils ont fait tourner la moulinette derrière. Je pense qu'ils ont un bateau plus raide et plus léger, sous les pieds, tu le sens tout de suite. Tu as moins besoin de relancer et quand tu touches la petite risée, ça démarre, c'est vraiment un bon bateau."Les dents qui rayent le parquet"Cette envie de refaire le Vendée Globe, c'est parce que vous en gardez un sentiment d'inachevé ?La pilule est amère, dure à avaler, mais le sentiment qui prévaut plutôt, c'est de se dire que c'est une superbe course. Toutes les semaines avant la course, la veille du départ, le départ, ce sont des choses que j'appréhendais comme un malade et je l'ai vachement bien vécu. Et mes deux semaines de course aussi, je n'ai pas poussé comme un malade et j'étais plutôt dans le groupe de devant, c'est un exercice dans lequel je me suis senti bien. Tu rajoutes à cela le petit sentiment d'inachevé et tu te dis qu'il faut y retourner.Avant de penser à un éventuel Vendée Globe, il y aura la 40e Solitaire du Figaro, là aussi, vous mettez-vous de la pression pour y signer un podium ou la victoire comme en 2005 ?La pression, c'est dans la globalité du plan de carrière, je sais qu'il faut que je gagne des courses ou que je fasse des podiums pour avoir le droit de repartir sur le Vendée. Après, la petite différence avec 2005, c'est que je suis moins prêt, je me suis moins entraîné, je viens tout juste de toucher le bateau, j'ai moins de moyens financiers pour faire ce que je voudrais, donc je suis conscient qu'il faudra fournir plus d'efforts pour arriver au même résultat. Mais j'ai aussi le recul d'une victoire qui peut me permettre d'éviter quelques conneries. Et j'y vais avec les dents qui rayent le plancher, ça va peut-être compenser.Pour rejoindre Michel Desjoyeaux sur Foncia, vous avez dû renoncer à faire partie de l'équipage de Banque Populaire, partez-vous avec regrets ?Oui, car c'est un superbe projet, un super équipage, Pascal et son équipe ont fait un boulot d'enfer, ce bateau et le programme sont géniaux, c'est une déception de ne pas faire l'Atlantique ni le Jules-Verne, parce que c'est des trucs que tu as forcément envie de faire dans une vie de marin. Mais Pascal veut un équipage quasiment à temps plein sur le bateau, si tu as un projet à côté de Solitaire et de 60 pieds, c'est sûr que tu ne peux pas être au garde-à-vous le lendemain de son appel pour partir à l'autre bout du monde. Maintenant, j'espère re-naviguer un jour sur ce bateau-là.Pensez-vous qu'il a le potentiel pour aller plus vite que Groupama 3 ?Oui. Groupama 3, c'est un gros 60 pieds qui garde les qualités d'évolutivité, d'être rapide et de démarrer vite dans le petit temps du 60 pieds. Par contre, nous (sic), on a un plus gros bateau, on a plus d'allonge, on est moins exposés: le bateau va vite, quoi ! Dès qu'il y a de l'air, tu es tout de suite à 30 noeuds, et des moyennes à 32-33, tu les tiens, je suis monté jusqu'à 42,7 noeuds, le bateau était sain, bien sur son foil, jamais avec le nez dedans. Donc dans le Sud, tu morfles a priori moins que Groupama , tu es plus sécu, je pense que sur la durée, c'est mieux.