Armstrong : sept ans de suspicion

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DOPAGE - Depuis 2005 et son dernier Tour victorieux, Armstrong fait face à des accusations.

De 1999 à 2005, Lance Armstrong a imposé sa main de fer sur le Tour de France. Durant ces sept éditions, aucune preuve avérée de dopage n'a pu être retenue contre lui. Certes, il a été contrôlé positif une fois, aux corticoïdes, le 4 juillet 1999. Mais le coureur de l'équipe US Postal avait alors présenté une ordonnance médicale pour s'en sortir sans dommage ni suspension. Mais les conditions d'importation et de prescription de ce produit interdit avaient soulevé certaines questions et suscité les premiers vents de suspicion... Sept ans plus tard, le 23 août 2005, le quotidien L'Equipe barrait sa Une d'un accusateur "Le mensonge Armstrong" et affirmait que le Texan était dopé à l'EPO sur ce Tour 1999. C'est le début d'un septennat de révélations et d'accusations.

Une de L'Equipe du 23 août 2005

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La démonstration de L'Equipe. Si Armstrong a toujours échappé aux preuves irréfutables de dopage durant sa carrière, il ne va pas échapper à la pugnacité d'un journaliste du quotidien L'Equipe spécialisé dans les affaires de dopage, Damien Ressiot. Celui-ci compare les numéros d'échantillons urinaires positifs à l'EPO prélevés sur le Tour 1999, et utilisés à des fins de recherche par le laboratoire national de Châtenay-Malabry, avec ceux d'Armstrong durant la compétition. Six numéros concordent et permettent de conclure qu'Armstrong a bien suivi un protocole de dopage à l'EPO sur son premier Tour victorieux.

Armstrong avance l'imposibilité de faire une contre-expertise sur les échantillons de 1999 pour se défendre. L'Union cycliste internationale lui donne raison en pointant le non-respect des protocoles antidopage. En 2008, Pierre Bordry, le président de l'Agence française de lutte contre le dopage, propose à Armstrong d'analyser à nouveau les échantillons de 1999 : Armstrong refuse, arguant que les échantillons n'ont pas été bien conservés.

Les témoignages de proches. En juin 2006, lors d'un procès opposant Armstrong à une société qui lui avait promis des primes non versées, un ancien de ses coéquipiers, Franckie Andreu, et sa femme indiquent avoir entendu Armstrong dire devant un médecin en octobre 1996 qu'il avait consommé "de l'hormone de croissance, de la cortisone, de l'EPO, des stéroïdes et de la testostérone". Ces déclarations, faites sous serment, confirment les témoignages recueillis par le journaliste Pierre Ballester et David Walsh dans leur enquête publiée en 2004, LA Confidentiel : les secrets de Lance Armstrong.

Les accusations faites par le couple Andreu ne sont pas confirmées par les autres témoins de la scène. Armstrong, lui, explique que Betsy Andreu a confondu les produits ingérés avant 1996 et ceux prescrits pour soigner son cancer des testicules, qui lui fut diagnostiqué à cette époque.

Floyd Landis, portrait (930x620)

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Les accusations de coéquipiers. Le 20 mai 2010, Floyd Landis, ancien coéquipier d'Armstrong à l'US Postal, accuse son ancien leader de l'avoir initié aux pratiques de dopage dans un entretien à ESPN. "Lui et moi avons eu de longues discussions sur le sujet lors de nos entraînements, pendant lesquels il m'a aussi expliqué les évolutions des techniques de détection de l'EPO et pourquoi les transfusions (sanguines) étaient devenues nécessaires à cause des nouveaux tests." D'autres anciens coéquipiers, comme Tyler Hamilton ou Stephen Swart, accusent également leur ancien chef de file dans les médias.

Armstrong, revenu à la compétition en 2009 à 37 ans, rejette les accusations de Landis, un coureur qui a "perdu toute crédibilité depuis longtemps" selon lui. Landis a été déclassé du Tour 2006 pour un contrôle positif à la testostérone.

Lance Armstrong (930x620)

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L'enquête de la justice fédérale. Dans ses accusations, Landis met en cause le fonctionnement de l'ancienne équipe US Postal, financée par la poste américaine et donc par l'argent public. Une enquête est ouverte aux Etats-Unis sous la houlette de Jeff Novitsky, restée célèbre pour avoir révélé le scandale Balco et fait tomber l'une des stars de l'athlétisme américain, la sprinteuse Marion Jones. Des perquisitions sont effectuées chez les anciens coéquipiers d'Armstrong et révèlent notamment que "LA" a maintenu des contacts jusqu'en 2009 avec le sulfureux docteur Michele Ferrari, célèbre pour avoir comparé l'EPO à du jus d'orange. Les autorités françaises sont même mobilisées pour collecter le maximum de preuves.

en février 2012, l'enquête est close, faute de preuves suffisantes pour condamner l'ancien coureur, qui n'aura pas ménagé sa peine pour ménager sa réputation. Mais...

Mais, mercredi soir, l'annonce de l'ouverture d'une procédure contre Armstrong par l'agence américaine antidopage (USADA), est la conséquence inattendue du travail de cette enquête fédérale. L'USADA assure désormais détenir des preuves d'une vaste opération de dopage assurée par Armstrong, Bruyneel et Ferrari entre 1999 et 2011. S'il ne risque rien pénalement, Armstrong peut désormais se voir privé de ses victoires, et notamment de ses sept victoires sur le Tour de France. Mais la procédure s'annonce encore longue. Et les révélations certainement encore très nombreuses...