Départs en vacances : faut-il voyager à l’autre bout du monde pour se sentir dépaysé ?

Le dépaysement est un vecteur de réinvention de soi. Et il en existe de nombreuses formes.
Le dépaysement est un vecteur de réinvention de soi. Et il en existe de nombreuses formes. © asmuSe / Pixabay / Europe 1
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Tout le monde n’a pas la chance de pouvoir partir à l’étranger en vacances. Heureusement, nous n’avons pas besoin de ça pour nous sentir dépaysés.

Jusqu’où aller pour se sentir dépaysé ? Alors que les vacances d’été approchent à grands pas, vous êtes peut-être nombreux à vous poser la question. Par nécessité ou par choix, plus de sept Français sur dix passent leurs vacances en France. Mais cela suffit-il pour rompre réellement avec son quotidien ?

Le dépaysement, un "vecteur de réinvention de soi"

Le Larousse définit le dépaysement comme le fait de "rompre avec ses habitudes" ou le fait d’être "désorienté", plongé dans "une situation qui donne un sentiment d’étrangeté". Pour l’anthropologue Jean-Didier Urbain, le dépaysement est avant tout une réponse à un "vécu de frustration" entraîné par notre quotidien. "Soit on a l’impression de ne pas pouvoir être soi-même et l’on s’échappe avec l’envie de se réapproprier sa véritable identité. Soit on en a assez d’être soi et l’on espère pouvoir devenir quelqu’un d’autre. Le dépaysement devient ainsi le vecteur d’une réinvention de soi : il permet pour chacun, à des degrés divers, de passer d’une identité brimée à une identité libérée ou à une identité différente", détaille-t-il dans Psychologie magazine.

Par la diversité des paysages, l’Hexagone offre une possibilité de facilement obtenir un "sentiment d’étrangeté". Quoi de commun, en effet, entre les calanques marseillaises et les forêts bretonnes ? Entre les falaises de Normandie et les cimes alpines ? Entre les monuments parisiens et les arènes de Nîmes ? Entre une retraite dans un monastère à Vézelay ou un stage de surf sur les Côtes basques ? Le Routard ou le site Open minded proposent, entre autres, des dizaines de destinations, toutes aussi différentes les unes que les autres, pour se "dépayser en France".

La découverte d’autres langues, un idéal…

Mais le dépaysement n’est pas qu’une affaire de paysage. Il est aussi une affaire de cultures, de découvertes, d’ouverture à l’autre. "Et, de préférence, un autre qui n’a même jamais soupçonné que j’existe tant son mode de vie est éloigné du mien", ajoute Jean-Didier Urbain.

" Ce qui nous régénère profondément, c’est d’avoir la possibilité de rompre avec nos rythmes effrénés "

Pour une rencontre de ce type, "rien de telle que d’être confronté à une langue étrangère, une suite de sonorités indéchiffrables, pour découvrir qu’il y a du langage au-delà des mots", reconnaît l’anthropologue. Et de développer : "Plus j’essaie de percer le mystère de l’autre, plus je m’éloigne de moi-même, plus j’explore une autre manière d’être. Mais derrière le différent, je rencontre également de l’universel".

… Mais il existe d’autres formes de dépaysement

La rencontre avec une langue étrangère n’a donc pas son pareil pour ressentir un sentiment de dépaysement. Mais si elle constitue un idéal, elle n’est pas la seule voie. On ne le dira jamais assez : par la littérature, la visite de musées, la découverte de nouveaux plats et de nouvelles saveurs... le dépaysement est souvent à portée de main.

"Si je n’ai pas eu l’occasion de beaucoup bouger, j’ai en revanche déménagé plusieurs fois. De Poitiers à Marseille et de Marseille à Paris pour ne citer que les plus importants. Et je peux dire que j’ai à chaque fois vécu un petit choc culturel", témoigne pour sa part Aurore, rédactrice du blog de voyages OnMyTree. Et de poursuivre : "Pour rappel, un choc culturel est la désorientation ressentie par une personne confrontée à un mode de vie qui ne lui est pas familier. Et le mode de vie entre Poitiers, Marseille et Paris a de nombreuses différences".

Comme elle le rappelle, dans chaque ville française de taille moyenne se trouvent aussi des restaurants indiens, marocains ou mexicains, des associations de langues ou de découvertes d’autres cultures, des festivals en tout genre, des chemins de randonnée insoupçonnés. Renseignez-vous auprès de votre mairie, de votre office de tourisme, de vos amis... Ils peuvent, eux-aussi, vous offrir des moments de dépaysement. 

Se dépayser, c’est avant tout rompre avec son quotidien

Enfin, se sentir dépayser consiste peut-être aussi en quelques petits changements dans votre quotidien. L’ethnographe Victor Segalen définissait l’exotisme comme le fait de sortir de nos schémas habituels. Si vous êtes d’un tempérament stressé, et avez l’habitude de vivre à 100 à l’heure, pourquoi ne pas vous essayer à la méditation ou au "bain de forêt" (plus d’infos ici) ? Au contraire, si vous avez plutôt tendance à prendre votre temps, pourquoi ne pas vous initier à quelques sensations fortes, comme le canoë, le saut en parachute, une séance de karting, de "Fury room" ou tout simplement un saut de ce plongeoir qui vous fait si peur à la piscine ?

"Ce qui nous régénère profondément, c’est d’avoir la possibilité de rompre avec nos rythmes effrénés. Non pas pour fonctionner au ralenti, mais selon notre propre tempo, que l’on soit de l’aube ou de la nuit, que l’on ait besoin de se dépenser ou de se reposer", résume Jean-Didier Urbain. Et de conclure : "ce dépaysement-là, qui nous libère de la contrainte, nous pouvons nous l’offrir partout".