Violences conjugales : une petite fille de 4 ans partie civile au procès de son père

© JACQUES DEMARTHON / AFP
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Marion Dubreuil , modifié à
Un homme de 36 ans comparait à partir de lundi 9 devant la cour d’assises de Nanterre. Il est poursuivi pour tentative d’homicide volontaire sur son ex-conjointe. Particularité de cette audience, la fille du couple, âgée de 4 ans témoin direct de la scène est constituée partie civile aux côtés de sa mère. La question de l'autorité parental sera notamment au coeur des débats.

Le 3 septembre dernier, Edouard Philippe inaugurait le Grenelle des violences faites aux femmes avec cette formule : "un homme violent n’est pas un bon père". C’est sans doute l’une des questions qui va traverser la cour d’assises de Nanterre à partir de lundi et jusqu’à mercredi. Elle doit juger un homme de 36 ans poursuivi pour tentative d’homicide sur son ex-conjointe, le 16 avril 2018, sous les yeux de leur fille alors âgée de seulement deux ans et demi.

La petite fille aujourd’hui âgée de 4 ans est constituée partie civile aux côtés de sa mère, mais pas avec le même avocat. Nathalie Tomasini représente les intérêts de la plaignante, alors que Marie Grimaud, spécialisée dans la protection de l’enfance, représente la petite fille. "Un enfant témoin des violences commises sur l’un de ses parents par l’autre parent est un enfant victime", affirme-t-elle. "Il s’agit de maltraitances psychologiques qui vont durablement le traumatiser."

Sans l’intervention des voisins, les violences auraient continué

"Il ne faut pas se tromper, c’est madame qui se constitue partie civile pour le compte de l’enfant", dénonce de son côté Erwann Coignet, l’avocat de l’accusé. Son client n’a pas vu sa fille depuis les faits, le 16 avril 2018.

Le soir des faits, l’accusé, âgé de 37 ans, rentre ivre au domicile familial et s’en prend à sa conjointe. La plaignante raconte qu’elle se réfugie dans la chambre de leur fille âgée de deux ans et demi. Il la suit, la tire de force du lit de la petite fille. La suite se déroule sous les yeux de l’enfant. Il étrangle sa conjointe, "des gestes", souligne l’arrêt de mise en accusation, "commis avec une extrême violence et une grande détermination". La jeune femme appelle à l’aide, les voisins interviennent et la trouvent "en état de choc, suffocante et ne parvenant pas à déglutir, ne tenant pas sur ses jambes". Sans l’intervention des voisins, estime le parquet de Nanterre, les violences auraient continué.

D’après la plaignante, ce n’est pas le premier épisode de violences qu’elle a subi, notamment depuis la naissance de leur enfant. Les forces de l’ordre sont déjà intervenues à trois reprises, mais jusque-là, la jeune femme avait refusé de porter plainte. L’accusé reconnaît très partiellement les faits et niait encore au stade de l’instruction toute intention de tuer. "Lui-même a perdu son père à l’âge de 21 ans, et il ne s’en est jamais remis", explique son avocat. "Il n’a jamais voulu ôter la vie à la mère de sa fille."

La question de l’autorité parentale

L’accusé a été placé en détention provisoire en avril 2018 et dans la foulée, un juge aux affaires familiales a ordonné la suspension provisoire de l’exercice de son autorité parentale.  "Dès sa libération sous contrôle judiciaire en février dernier, mon client a demandé à voir sa fille", précise maître Coignet. "Il ne faut pas se tromper, c’est madame qui se constitue partie civile pour le compte de l’enfant", dénonce l’avocat.

Le juge aux affaires familiales a bien accordé à l’accusé en avril un droit de visite dans un espace médiatisé, mais il n’a pas eu le temps d’en bénéficier. Le 21 mai, son contrôle judiciaire a été révoqué car il a tenté d’entrer en contact avec son ex-conjointe alors qu’il en avait l’interdiction. "Il voulait seulement apercevoir sa fille", tente de justifier son avocat. 

Erwan Coignet craint que son client devienne un exemple dans le contexte du Grenelle des violences conjugales. "Il faut faire la distinction de l’homme dans sa fonction de père et l’homme dans sa fonction de conjoint", explique-t-il. "On ne peut pas attenter à l’autorité parentale de mon client sans faire la preuve de la défaillance de cet homme avec son enfant". L’avocate de la petite fille devrait produire un bilan pédopsychiatrique de la fillette pour montrer l’impact traumatique des violences conjugales.