La Cour de cassation a refusé le statut de mère à une femme transgenre dont la fille est née après son changement de genre, mais pas de sexe. 5:01
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Séverine Mermilliod
Une femme transgenre ne peut pas être reconnue mère de sa fille sans avoir à passer par une adoption, selon une décision rendue mercredi par la Cour de cassation. Pour les avocats Clélia Richard et Bertrand Perier, invités d'Europe 1, cette décision est injuste et contraire à l'intérêt de l'enfant.
INTERVIEW

La Cour de cassation n'a pas reconnu, mercredi, le droit à une femme transgenre d'être officiellement la mère de sa fille biologique, alors qu'elle possédait encore ses organes reproducteurs masculins au moment de la conception. La plus haute juridiction a cassé un arrêt rendu par la Cour d'appel de Montpellier qui proposait de qualifier Claire (le prénom a été changé) de "parent biologique" sur l'état civil de la petite fille. Pour les avocats Clélia Richard et Bertrand Perier, respectivement avocate de la plaignante et représentant de l'association des parents gays et lesbiens (APGL), cette décision va à l'encontre de l'intérêt de l'enfant.

"Quand on est femme, on est mère, pas père"

En 2011, Claire a été officiellement reconnue comme femme sur son état civil, avant de concevoir une fille naturellement avec son épouse en 2014, avec qui elle avait déjà eu deux enfants précédemment. Au moment où l'enfant est conçu, son état civil est donc féminin, même si ses organes reproducteurs sont masculins. "Elle a toujours été une femme", explique son avocate au micro de Frédéric Taddeï.

Mais ce qui est cruel selon les deux avocats, c'est que "la justice refuse de faire le deuxième pas, qui était de lui reconnaître la qualité de mère. Quand on est femme et parent, on est mère, pas père !", s'indigne Bertrand Perier. "On la renvoie au sexe qu’elle a refusé et que la République française lui a dénié" en acceptant son changement d'état civil.

"Mettre l'enfant au centre de la décision"

La Cour d’appel de Montpellier avait proposé la notion de "parent biologique", terme qui n'existe pas dans le droit et a donc été refusé par la Cour de cassation. "Mais l'idée de la Cour d'appel, je pense, était de mettre l'enfant au centre de la décision", constate Clélia Richard qui pointe du doigt le problème : "Aujourd'hui, cette enfant n’a qu’une seule filiation pour l’instant. Si Claire meurt la semaine prochaine, son patrimoine revient aux deux premiers enfants et pas au troisième ! Si les mamans se séparent, l'enfant n'est pas protégée".

"On est père, mère, mais des parents avant tout", estime encore l'avocate selon qui cette notion de "parent biologique" permettait de voir le lien de filiation reconnu. "Ce qui est assez cruel, c'est que la Cour de cassation ne laisse que deux possibilités : soit une reconnaissance de paternité - ce qui nie tout le processus de transition qui n’est pas une tocade, qui est extrêmement encadré scientifiquement -, soit adopter, ce qui suppose d’adopter son propre enfant !", déplore de son côté Bertrand Perier. 

D'autant que dans le cas précis, l'adoption nécessiterait l’accord de l’autre parent, "et en l’occurrence on ne l’a pas", rappelle-t-il. L'autre mère s’y oppose, "unie dans ce combat pour faire reconnaître la réalité des choses : une femme qui devient parent est une mère. La transition doit aller au bout, sur la personne mais aussi sa filiation. C’est conforme à l’intérêt de l’enfant", selon l'avocat.

La Cour européenne des droits de l'homme saisie

Clélia Richard abonde : "La loi de 2016 a prévu le régime de l’état civil des enfants nés avant la transition du parent", donc pour les deux premiers enfants. "Le nouvel état civil peut être répercuté sur celui des enfants nés antérieurement s’ils sont mineurs avec l’accord de l’autre parent, s’ils sont majeurs avec leur accord à eux. Mais le législateur n’avait rien dit pour les enfants qui naîtraient après !" 

La Cour européenne des droits de l'homme va donc être saisie afin d'étudier le cas de Claire.