Un imam condamné à deux ans de prison ferme pour avoir aidé des migrants à traverser illégalement la Manche

L'imam a été condamné à trois ans de prison dont un avec sursis. Photo d'illustration.
L'imam a été condamné à trois ans de prison dont un avec sursis. Photo d'illustration. © DAMIEN MEYER / AFP
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avec AFP
Ce réfugié politique iranien avait fourni des bateaux pneumatiques à des migrants pour leur permettre de traverser la Manche et de rejoindre la Grande-Bretagne. 

Un imam de la banlieue de Rouen a été condamné lundi par le tribunal de Boulogne-sur-Mer à trois ans de prison dont un avec sursis, pour avoir fourni des bateaux pneumatiques à des migrants, afin de leur permettre de rejoindre la Grande-Bretagne.

L'imam, iranien réfugié politique en France, dont le tribunal correctionnel a annoncé l'incarcération immédiate, est également interdit de séjour dans le Nord et le Pas-de-Calais pendant 5 ans. Le tribunal a également condamné à 18 mois de prison, dont 9 mois avec sursis, un fidèle de la mosquée, avec interdiction de séjour dans les deux départements pendant trois ans.

L'enquête a débuté dans la nuit du 27 au 28 mars, lorsque les gendarmes ont découvert des gilets de sauvetage, des pulls mouillés et une embarcation pneumatique échouée sur la plage d'Escalles, dans le Pas-de-Calais. Grâce à l'immatriculation, les forces de l'ordre sont remontées jusqu'à l'ancien propriétaire, qui explique l'avoir vendu à un homme quelques jours plus tôt. Relevés téléphoniques et filatures ont permis d'identifier un Iranien de 39 ans, réfugié politique et imam dans une mosquée de Petit-Couronne, près de Rouen.

À son domicile, la police ont retrouvé deux bateaux, trois moteurs, et une vingtaine de gilets de sauvetage. L'un des fidèles de la mosquée, ressortissant sénégalais de 29 ans, a également été interpellé. En garde à vue, les deux hommes ont reconnu les faits, assurant avoir agi pour le compte d'un troisième individu, jamais identifié par les enquêteurs.

L'imam se dit "honteux"

Devant le tribunal lundi, le religieux a évoqué un certain Kamal, pour qui il allait acheter des navires jusque dans un magasin de Deûlémont, à la frontière belge. Parfois, l'imam demandait à son "meilleur ami", un fidèle de la mosquée, d'effectuer les trajets. Selon les investigations, les deux hommes auraient ainsi acheté sept bateaux, entre le 27 décembre 2018 et le 30 avril 2019.  À la barre, ils affirment n'avoir compris que tardivement que les navires permettaient à des clandestins de tenter de traverser la Manche.

"Quand j'ai su, j'ai pensé aux enfants à bord, et je me suis dit qu'il y aurait pu y avoir des morts. J'étais effondré", déclare le fidèle. A ses côtés, l'imam s'est dit "honteux".

Les migrants entendus ont fait état de sommes pouvant atteindre 10.000 euros ; lui a déclaré que l'acheminement des bateaux ne lui a rapporté que 1.300 euros. Des explications "qui ne correspondent pas à la réalité", a estimé le parquet, qui rappelle que "les écoutes téléphoniques et la géolocalisation montrent que [l'imam] se déplaçait régulièrement du littoral, à proximité des plages où ont été découverts des bateaux et des migrants".

Pour l'avocate de l'imam, le mandat de dépôt est une décision "sévère"

Pointant la "mauvaise foi" des prévenus, l'accusation a souligné l'implication du fidèle, qui "recherche de nouveaux bateaux et décide d'augmenter ses tarifs lorsqu'il comprend que les navires sont destinés aux traversées".

"Il a conscience de l'infraction qu'il a commise (..) choqué par ce qu'il a fait", a déclaré à la presse l'avocate de l'imam, Me Marie-Alice Fasquelle-Leonetti. Pour elle, le mandat de dépôt est une décision "sévère" dans la mesure où il "a respecté de façon parfaite son contrôle judiciaire" accordé il y a un mois. Père de trois enfants, dont un nourrisson selon elle, il a été "détenu en Iran pendant un certain nombre d'années" et a obtenu le droit d'asile en "sept jours".