Sentinelle : "Je savais que c'était dur, mais ingrat comme ça..."

  • Copié
Rémi Vallez avec G.D , modifié à
Les militaires de l'opération Sentinelle sont à bout. La fatigue est aussi bien physique que psychologique.
TÉMOIGNAGE

"Au bord de la rupture". Voilà comment Pierre Conesa qualifiait le dispositif Sentinelle vendredi martin sur Europe 1. Et cela se confirme dans les rangs des militaires engagés, comme l'explique ce caporal en chef, militaire depuis dix ans, mobilisé à deux reprises dans la région de Marseille dans le cadre de l'opération Sentinelle. "On a un bardage avec un gilet pare-balles, un casque lourd, le fusil d'assaut... On est équipés comme des porte-avions. Après, le repos n'est pas fait pour. Il faut être tout le temps aux aguets et ça, ça fait aussi partie de la fatigue mentale", explique-t-il, visiblement marqué par cette expérience.

"J'essaye de ne pas agir sous le coup de l'émotion." Une usure partagée par un sous-officier, actuellement engagé sur l'opération Sentinelle en région parisienne : "J'essaye de ne pas agir sous le coup de l'émotion, de ne pas faire une connerie. Je savais que m'engager dans cette institution c'était dur, mais que ça devienne ingrat comme cela, non." Dans deux semaines, après la fin de sa mission, il démissionnera purement et simplement.

"On recrute du personnel et pendant cinq ans, on va l'épuiser." Et l'annonce faite par le ministre de l'Intérieur, jeudi, n'est pas satisfaisante pour le caporal en chef, cité plus haut. S'il ne s'attendait pas à une révolution du dispositif, il estime que les efforts sont trop concentrés sur Sentinelle, au détriment des autres missions : "Il y a encore des opex, il y a encore des missions intérieures, il y a encore des manœuvres. On sous-estime et on réduit ce travail-là. Peu t-être qu'il faudrait créer une section Sentinelle et laisser le travail des militaires proprement dits. Même en terme de recrutement. On recrute du personnel et pendant cinq ans on va l'épuiser à la moelle."

Pierre Conesa estimait toutefois, que les évolutions qui vont être apportées au dispositif Sentinelle, même si ce dernier ne sera pas réduit, pourront être bénéfiques pour les militaires mobilisés : "Je crois que ça change au moins quelque chose pour les hommes. Une grande partie de ce dispositif était statique. Là, on envisage de le rendre un peu plus mobile et c'est intéressant pour les hommes parce que quand on est mobile, on est moins une cible." Les attaques terroristes se sont multipliées ces derniers mois contre les hommes mobilisés dans le cadre de l'opération Sentinelle, ce qui est une dimension supplémentaire de leur usure.