À Saint-Martin, on va "disparaître de la carte touristique", mais on "ne veut pas être oublié"

Il y a deux mois, l'ouragan Irma frappait durement Saint-Martin.
Il y a deux mois, l'ouragan Irma frappait durement Saint-Martin. © Helene Valenzuela / AFP
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Rémi Bostsarron avec G.M. , modifié à
Il n'y aura pas de saison touristique à Saint-Martin cette année, mais l'île prépare déjà la suite. La survie de son économie est en jeu.
L'ENQUÊTE DU 8H

Un peu moins de deux mois après le passage de l'ouragan Irma à Saint-Martin, l'île est lancé dans une entreprise de reconstruction. Mais, sur place, la situation est claire pour tous : il n’y aura pas de saison touristique cette année. Les touristes ne viendront pas, d’abord parce qu’il n'y a plus d’hôtel disponible. Aucun n’est fonctionnel quelques semaines après le passage d'Irma et la reconstruction sera longue, très longue. Les habitants doivent en effet attendre les décisions des assurances, les autorisations administratives et les matériaux.

Des démarches de reconstruction complexe

Mais les démarches sont également compliquées pour des raisons matérielles. Certains hôteliers ne peuvent pas fournir les documents demandés par l’administration. "Lorsque, pour tel et tel élément, on nous dit 'On peut essayer de faire quelque chose pour vous, envoyez-nous votre Kbis (les extraits du registre de commerce) et votre RIB', les Kbis, on n'en a plus, ils ont disparu. On n'a plus de bureau, on n'a plus d'archives, on n'a plus d'ordinateur", déplore Philippe Thévenet, porte-parole de l’association des hôteliers.

Près de 2.000 emplois directs ou indirects sont en suspens dans ce secteur. Des mesures de chômage partiel ont été mises en place mais? selon les professionnels, elles ne sont pas tenables sur la longueur. Ils craignent de devoir assumer des licenciements massifs. Et les entreprises risquent de se retrouver rapidement en difficulté financière.

Les sociétés du secteur nautique qui proposent la location de bateaux sont particulièrement touchées. Et pour cause, pratiquement plus aucune embarcation n'est viable : 1.200 ont été touchées, 500 sont condamnées et les autres doivent être réparées. On parle déjà d’une perte d’exploitation d’au moins 20 millions pour cette filière cette année. Globalement, pour l’ensemble des entreprises de l’île, la fédération interprofessionnelle de Saint-Martin demande à l’État davantage d’aides financières et fiscales pour passer le cap de cette année d’inactivité. En cas de refus, elle estime que 1.000 entreprises, pratiquement un quart des entreprises de l’île, pourraient déposer le bilan.

Une campagne de communication en préparation

Pour sauver ces entreprises, le retour des touristes reste l'enjeu majeur des mois à venir sur l'île. Si Saint-Martin va disparaître pour un temps de la carte touristique, elle ne veut pas être oubliée. Au mois de décembre, l’office du tourisme de l’île a prévu de se lancer dans une campagne de communication et d'aller à la rencontre des compagnies aériennes et des agences de voyages, notamment en France, en Amérique du Nord et en Amérique du Sud. "On va essayer d'être le plus honnête possible en disant 'Voilà ce que Saint-Martin c'était, voilà ce que c'est aujourd'hui'", explique Kate Richardson, la directrice de l'office du tourisme. "Ça ne va pas être uniquement une campagne d'image touristique, ça va être tout un pays qui va dire qu'il a envie de reconstruire, de rebâtir. Certes, il manque quelques toits, ce n'est pas encore tout lisse comme ça l'était avant, mais on restera toujours les mêmes", poursuit-elle.

Ce message doit surtout parler aux nombreux habitués de l’île, ceux qui reviennent tous les ans, les Américains en particulier. Ces touristes sont sans doute d’abord venus pour la qualité des hôtels. Désormais, Saint-Martin espère conserver avec eux un contact plus humain, pour leur donner envie de revenir dans un an. C’est une question de survie pour l’économie de l’île.