Rentrée scolaire : à quoi va ressembler l’hommage à Samuel Paty ?

Le professeur Samuel Paty a été décapité après avoir montré des caricatures de Mahomet en classe.
Le professeur Samuel Paty a été décapité après avoir montré des caricatures de Mahomet en classe. © FREDERICK FLORIN / AFP
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avec AFP
Un hommage à Samuel Paty va être rendu lundi lors de la rentrée scolaire, avec une minute de silence et la lecture d’une lettre de Jean Jaurès. Mais des voix s’élèvent, parmi les enseignants et chez les politiques, pour dénoncer un hommage a minima.

Plus de deux semaines après l’attentat contre Samuel Paty, un hommage va être rendu au professeur d’histoire-géographie dans toutes les écoles de France, lundi lors de la rentrée scolaire. Après de longues discussions, le gouvernement a annoncé vendredi le programme de cet hommage très attendu, qui doit être concilié avec les mesures sanitaires pour lutter contre le coronavirus, un contexte sécuritaire tendu après l’attentat de Nice et les éventuelles tensions autour de la liberté d’expression et des caricatures de Mahomet.

Une minute de silence sera ainsi observée à 11h, après la lecture d’un texte de Jean Jaurès. Mais des voix s’élèvent déjà pour dénoncer une cérémonie a minima, du côté de l’opposition comme des enseignants. Europe 1 fait le point sur cet hommage.

Une rentrée normale, avec une minute de silence

Le gouvernement a hésité sur les modalités de cette cérémonie. La rentrée des classes devait initialement être décalée à 10 heures, pour laisser le temps aux équipes pédagogiques de se retrouver et échanger pour préparer l’hommage. Mais Jean-Michel Blanquer a annoncé vendredi soir que la rentrée des classes serait finalement maintenue à l’horaire habituel en raison du contexte sanitaire et sécuritaire, sauf dans les établissements qui avaient déjà défini un autre horaire. Il faut donc se renseigner au cas par cas pour connaître l’heure de la rentrée scolaire.

Une minute de silence sera en tout cas observée dans toutes les écoles, collèges et lycées à 11 heures, après la lecture de la lettre de Jean Jaurès aux instituteurs. "L'hommage était la priorité dans un premier temps, avec une rentrée à 10 heures. Mais les nouveaux événements comme l'attentat de Nice et le nouveau confinement ont fait que c'était impossible, surtout parce que les transports scolaires n'ont pas pu être modifiés dans la plupart des établissements. On ne pouvait pas laisser les élèves à la porte de 8 heures à 10 heures parce que les parents ne peuvent pas tous les amener à 10 heures", a expliqué sur Europe 1 Lysiane Gervais, proviseure en Gironde, secrétaire nationale du Syndicat national des personnels de direction de l'Education nationale.

La lecture d’un texte de Jean Jaurès

L’autre temps fort de cet hommage sera donc la lecture d’une lettre de Jean Jaurès aux instituteurs. Elle devra avoir lieu "de préférence dans les salles de classe, et si les conditions sanitaires le permettent, dans la cour de l'établissement", a précisé Jean-Michel Blanquer. Ce texte, fondateur mais difficile d’accès, pose trois grands principes : l'engagement sans faille de l'enseignant "pénétré de ce qu'il enseigne", la mission émancipatrice de l'école publique "dans une démocratie libre" et la confiance dans le potentiel naturel de l'enfant "à la curiosité illimité". 

"Vous tenez en vos mains l'intelligence et l'âme des enfants , vous êtes responsables de la patrie", débute le texte publié dans le journal toulousain la Dépêche en 1888 par le jeune Jean Jaurès, alors âgé de 29 ans. Plus jeune député de France (1859-1914), figure des débuts du socialisme et fondateur du journal l'Humanité, Jean Jaurès est passé à la postérité, aux côtés de Jules Ferry, comme l'un des premiers "hussards de la République". Son combat en faveur de la séparation de l'Eglise et de l'Etat aboutira en 1905 à la "loi de séparation".

L’organisation d’un temps de parole en classe

Les enseignants sont également invités à organiser une heure d'échanges avec les élèves sur la liberté d'expression et le principe de laïcité, avant le début de l’hommage à Samuel Paty. Mais ce temps de parole pourra avoir lieu tout le mois de novembre, notamment si la tension est trop forte avec les élèves ou pour "laisser aux professeurs qui le souhaitent le temps nécessaire pour préparer cette séquence".

Le gouvernement incite les professeurs à "signaler" les éventuels problèmes

Le gouvernement a également mis en garde contre les tensions éventuelles, à l’image des quelques troubles qui avaient éclaté lors des hommages après l'attentat contre Charlie Hebdo en janvier 2015. La minute de silence de lundi "doit être respectée", prévient dans son courrier Jean-Michel Blanquer. Le ministre de l’Education a invité les enseignants à signaler tout éventuel problème en la matières aux rectorats.

"C'est la consigne qui est donnée. On a un travail éducatif dans les établissements à mener et il faut voir si c'est un élève qui est dans l'opposition mais sans fondement et à ce moment-là, le travail éducatif peut aussi se faire dans l'établissement en entretien individuel. On peut aussi discuter éventuellement avec les familles pour ramener les élèves à la raison. Si c'est quelque chose de plus profond, ça sera extrêmement important de le signaler", selon Lysiane Gervais, secrétaire nationale du Syndicat national des personnels de direction de l'Education nationale. 

Un hommage déjà critiqué

L’annonce de Jean-Michel Blanquer de maintenir la rentrée scolaire à l’horaire habituel a provoqué la colère de nombreux enseignants, qui espéraient disposer de temps pour préparer l’hommage. "Ce qui s'est passé n'est pas anodin, il était extrêmement important qu'on ait le temps de se revoir pour en parler entre nous", a déploré auprès de l’AFP Christine Guimonnet, secrétaire générale de l'association des professeurs d'histoire et de géographie (APHG). "Si on avait eu une journée entière de réflexion avec les enseignants, cela aurait été une bonne chose. Les éléments nous sont parvenus extrêmement tardivement, donc il a été un peu compliqué de s'organiser", abone Lysiane Gervais.

Plusieurs personnalité de l’opposition ont également critiqué le choix du gouvernement. Le député de La France insoumise Adrien Quatennens a dénoncé un hommage "insuffisant", qui "aurait mérité un vrai temps de discussion entre les professeurs et entre les élèves" sur les questions de liberté d'expression et de laïcité, dimanche lors du Grand Rendez-Vous Europe 1/CNews/Les Échos.