Rentrée : salaires, missions… Qu’est-ce que le pacte enseignant, qui inquiète professeurs et syndicats ?

Les professeurs pourront s'engager sur des missions supplémentaires et rémunérés, sur la base du volontariat.
Les professeurs pourront s'engager sur des missions supplémentaires et rémunérés, sur la base du volontariat. © Thibaut Durand / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
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Ophélie Artaud / Crédit photo : Thibaut Durand / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Le pacte enseignant sera opérationnel à la rentrée, a assuré Gabriel Attal lors d'une conférence de presse lundi. Contre rémunération et sur base de volontariat, les professeurs pourront accepter différentes missions. L'objectif affiché est de remplacer les absences, pour répondre à la promesse d'Emmanuel Macron, "un professeur devant chaque classe". Une mesure qui ne convainc pas les syndicats. Europe 1 vous explique tout ce qu'il faut savoir sur le pacte enseignant.

"Travailler plus pour gagner plus". C'est la manière dont les syndicats perçoivent le pacte enseignant, qui sera opérationnel pour cette rentrée, comme l'a confirmé le ministre de l'Éducation national, Gabriel Attal. Sa mise en place avait été annoncée par Emmanuel Macron en avril dernier, en même temps qu'une revalorisation salariale pour tous les professeurs. Le pacte pourrait permettre aux enseignants qui acceptent de s'engager, d'obtenir une rémunération de 1.250 euros à 3.750 euros bruts par an. Pourtant, cette mesure est largement rejetée par les syndicats. 

À quoi sert le pacte enseignant et comment fonctionne-t-il ?

La création du pacte enseignant a été présentée en avril dernier par Emmanuel Macron. Le président avait annoncé une hausse de la rémunération des professeurs, de deux façons : le "socle", sous forme d'augmentation de salaire pour tous, qui devrait permettre à chacun d'entre eux de gagner plus de 2.000 euros net par mois. À cela s'ajoute le "pacte", pour ceux prêts à s'engager à réaliser de nouvelles missions. Chacune d'entre elles est payée 1.250 euros brut par an et chaque professeur peut s'engager sur trois missions sur l'année scolaire.

Concrètement, l'objectif de ce pacte est de répondre à la promesse du chef de l'État, qui s'est engagé à mettre "un professeur devant chaque classe" pour la rentrée scolaire 2023-2024, grâce à un "système de remplacement plus efficace" dans les collèges et les lycées. Les professeurs qui acceptent de remplacer leurs collègues absents sur une courte durée (moins de quinze jours) seront ainsi rémunérés. Selon le ministère de l'Éducation nationale, les absences de professeurs non remplacées représenteraient "15 millions d'heures perdues" par an pour les élèves. Lors de son discours de rentrée, Gabriel Attal a rappelé que "la moitié" de ces absences étaient dues à des convocations d'enseignants, notamment pour des "formations" ou des "réunions pédagogiques".

Parmi les autres missions que les enseignants peuvent accepter : le soutien scolaire, l'aide au devoir, les stages de remise à niveau pendant les vacances, être référent d'un élève ou coordinateur de projets pédagogiques... Les professeurs des écoles pourront également réaliser des cours de renforcement en français et en mathématiques dans les collèges, pour les classes de 6e. L'Éducation nationale explique que "les missions complémentaires seront assurées, pour certaines, sous la forme d’un volume horaire annuel" de 18 ou 24 heures par an, "pour d’autres, sous la forme d’un engagement annuel".

Pourquoi les syndicats rejettent-ils cette mesure ?

Les syndicats enseignants dénoncent depuis plusieurs mois les limites de ce dispositif. Dans un communiqué daté du 6 mars dernier, l'intersyndicale considérait le pacte comme un "instrument qui ne répond en rien aux attentes des collègues et aux besoins de l’École". Selon eux, "loin de contribuer à la revalorisation attendue par toutes et tous, le pacte va conduire à un alourdissement de la charge de travail des personnels". Car les missions réalisées dans le pacte consisteront en des heures supplémentaires, qui s'ajouteront donc à la charge de travail des professeurs et augmenteront leur temps de travail, estimé à 43 heures en moyenne par semaine. Les directeurs d'établissements, qui devront attribuer les missions aux professeurs, verront indubitablement leur charge de travail augmenter.

Aussi, l'intersyndicale regrette qu'"aucune réponse n’est apportée sur la question des inégalités salariales femmes/hommes : le pacte va même aggraver ces inégalités, c’est inacceptable !", peut-on lire. Les syndicats craignent également que la mesure "dégrade le fonctionnement des écoles et des EPLE (établissement public local d'enseignement)".

La FNU-SNUipp critique aussi une "proposition de 'travailler plus pour gagner plus' qui individualise et contractualise la rémunération", qu'elle juge "inadmissible". Pour le syndicat, la mesure ne serait pas non plus suffisante pour aider les élèves en difficulté : "Prétendre répondre à la difficulté, après 8 ans d’école primaire, par 1h de soutien au collège est une aberration pédagogique. Y répondre ne peut se concevoir que d’un point de vue global, et non en isolant le français et les mathématiques, les dits 'fondamentaux', des autres apprentissages en arrivant au collège."

Les professeurs sont-ils prêts à s'engager ?

Les enseignants prêts à signer ce pacte seraient pour l'instant minoritaires dans les établissements, et pourraient ne pas être assez nombreux. Gabriel Attal n'a d'ailleurs pas donné plus d'informations sur le nombre de professeurs intéressés. "Je ne fais pas de pronostic. On aura les premiers chiffres après la rentrée. Il y aura une montée en puissance. Je sais qu'il va falloir convaincre", a-t-il déclaré lors de sa conférence de presse de rentrée ce lundi matin.

Selon Le Monde, de nombreux professeurs attendraient d'avoir plus de détails avant de s'engager - ou non - sur ce pacte, qui devrait continuer de cristalliser les tensions entre syndicats, enseignants et ministère de l'Éducation nationale à la rentrée.