Pascal Blanchard 2:21
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Romain David , modifié à
Invité jeudi d'Europe Matin, Pascal Blanchard, historien, spécialiste de l'immigration et de la colonisation, a estimé que donner davantage de visibilité dans l'espace public à certaines figures historiques suffirait à évacuer le débat sur le déboulonnage de statues de personnages aujourd'hui controversés.
INTERVIEW

Rééquilibrer la vision de notre histoire que donne à voir l'espace public en changeant des noms de rues et de bâtiments. C’est le travail qu'a mené Pascal Blanchard, historien, spécialiste de l'immigration et de la colonisation, avec un comité de responsables associatifs, d'intellectuels et de directeurs de musées pour parvenir à proposer une liste de 318 noms issus des Outre-mer ou des immigrations. "Dans les années 1920, 1930 et 1940, lorsque par exemple on a mis Colbert devant l'Assemblée nationale, on n'a seulement rendu hommage qu'à une partie des hommes, et pas à des femmes, ainsi qu'à une partie de l'histoire", explique au micro d'Europe Matin ce chercheur.

À ses yeux, il est essentiel de rééquilibrer cette situation, afin d'éviter que certains noms de l'histoire de France, sur lesquels aujourd'hui les historiens portent un regard plus critique que par la passé, notamment en raison du rôle joué dans l'esclavage ou la colonisation, ne monopolisent nos repères urbains. "Si on avait rendu hommage à l'époque à certaines personnalités, aujourd'hui le débat sur le déboulonnage des statues n'existeraient peut-être pas",  soutient Pascal Blanchard. "Ça peut choquer les gens d'avoir une avenue Bugeaud et de ne jamais rendre hommage à Abdelkader. Les deux ont contribué - en bien ou en mal, on peut en débattre pendant des années - à l'histoire de France !"

Pas assez de femmes ?

"Rendez aussi hommage à Belley, le premier grand député noir qui a voté l'abolition de l'esclavage, rendez hommage à des grandes personnalités comme Camille Mortenol, qui a défendu Paris en 14-18, rendait hommage à Raphaël Elizé, maire de Sablé-sur-Sarthe et résistant !", enjoint Pascal Blanchard.

La liste élaborée par Pascal Blanchard et ses collègues, mise en ligne par le gouvernement à la disposition des élus locaux, ne compte toutefois que 21% de femmes. "On a travaillé sur une période de 230 ans, vous savez comme moi qu'avant 1945, il y avait peu de femmes artistes, peu de femmes militaires, etc.", argue Pascal Blanchard. La publication d'un prochain recueil devrait corriger cette inégalité. "Il y aura cette parité dans la prochaine liste, qui sort le mois prochain, parce que nous avons travaillé sur des personnages contemporains, et là c'était possible", assure l'historien.