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Romain David , modifié à
Tout juste retraité, le juge Renaud Van Ruymbeke a estimé samedi au micro de Patrick Cohen, sur Europe 1, avoir poussé la justice à s’intéresser à un domaine sur lequel elle a longtemps fermé les yeux : les affaires politico-financières.
INTERVIEW

Au fil des ans, son nom est devenu l’un des plus célèbres du système judiciaire français. Le juge Renaud Van Ruymbeke, qui a instruit quelques-unes des affaires politico-financières les plus marquantes des dernières décennies, vient de prendre sa retraite au terme d’une carrière de plus de quarante ans.

De l’affaire Boulin à l’affaire Clearstream, en passant par celle du financement occulte du PS ou des frégates de Taïwan, ce magistrat s’est confronté à de hauts responsables politiques, se posant en défenseur de l’indépendance de la justice face aux pressions politiques. "J’ai un peu contribué à faire avancer les choses à mon niveau, en étant un juge d’instruction de base", a -t-il déclaré samedi, au micro de Patrick Cohen, dans C’est arrivé cette semaine sur Europe 1.

"J’ai rencontré un certain nombre de difficultés, d’épreuves, liées au fait que j’ai instruit des dossiers politico-financiers et que lorsque je suis rentré dans la magistrature en 1977, ce n’était pas dans les mœurs de la maison", explique Renaud Van Ruymbeke. "De nombreux scandales ont été étouffés, et la justice n’allait pas mettre les pieds dans ces domaines-là. En y allant, je me suis trouvé face à des ripostes auxquelles je ne m"attendais pas et auxquelles je me suis habitué." 

"Il y a une constante : je me retrouve face au pouvoir"

Renaud Van Ruymbeke estime avoir permis à la justice, par son travail, d’assumer la prise en charge d’affaires qui, auparavant, pouvaient avoir tendance à rester au fond d’un tiroir, de crainte d’éventuelles représailles politiques. "Quand un parquet étouffait des affaires il y a 10, 20 ou 30 ans et que la presse écrivait, elle empêchait l’étouffement de l’affaire. Personne n’a remis en cause sérieusement mon travail. Les plus gros dossiers que j’ai instruits, que j’ai renvoyés devant un tribunal, ont été validés", rappelle-t-il. "Je ne suis pas un justicier, je ne suis pas là pour régler des comptes. Simplement, je n’accepte pas qu’il y ait des privilégiés vis-à-vis de la justice. Voilà."

De l’affaire Boulin à l’affaire Clearstream, Renaud Van Ruymbeke a eu affaire au fil des années, directement ou indirectement, à quelques-unes des grandes figures de la vie politique française. "Je me suis retrouvé, tout au long de ma carrière, face au pouvoir, qui freine et essaye d’étouffer les affaires. Quand Robert Boulin se suicide, il y a un pouvoir de droite. Quand j'ai l’affaire Urba, le président de la République s’appelle François Mitterrand. Quand va arriver l’affaire Clearstream ou l’affaire des frégates, il y a de nouveau la droite au pouvoir. Il y a une constante : je me retrouve face au pouvoir", constate-t-il.

Après avoir passé deux ans au parquet de Caen, Renaud Van Ruymbeke a fait l’essentiel de sa carrière à l’instruction, pour pouvoir garder son indépendance, explique-t-il.  "Je n’aime pas la hiérarchie, je n’aime pas le corporatisme", lâche-t-il, estimant que le pouvoir judiciaire en France reste encore en partie sous la tutelle du pouvoir politique. "La réforme du statut du parquet n’a pas été faite. Ils sont toujours statutairement dépendants du pouvoir politique. Le lien n’a pas été coupé complètement entre le pouvoir politique et la magistrature", déplore-t-il.

>> Retrouvez ci-dessous l’intégralité de l’interview de Renaud Van Ruymbeke, au micro de Patrick Cohen sur Europe 1 :