Réfugiés, migrants : emploie-t-on les bons mots ?

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Hélène Thiollet, chercheuse au centre de recherches internationales de Sciences Po, était l’invitée d’Anne Sinclair, samedi matin, pour traiter de la question des migrants.

Alors que François Hollande a appelé, vendredi soir, les pays de l’espace Schengen à "raisonner en Européens" face à l’afflux massif de migrants, la chercheuse Hélène Thiollet était l’invitée d’Anne Sinclair, samedi matin, pour revenir sur cette crise sans précédent. Cette spécialiste de l’étude des migrations internationales, affiliée au CNRS-CERI Sciences-Po, a d'abord tenu à faire une mise au point lexicale pour écarter la confusion de langage régulièrement commise entre les termes "migrant" et "réfugié", souvent employés de façon indifférenciée.

Etre réfugié, un statut juridique. Or, on parle de réfugiés pour désigner "des personnes à qui l’on accorde un statut juridique spécifique parce que l’on estime qu’elles ont été victimes de persécutions, soient individuelles, soient collectives, dans leur pays d’origine", précise cette chercheuse en sciences politiques, s’appuyant sur l’article 1 de la Convention de Genève, ratifiée par 145 pays en 1951. Un réfugié ne peut donc être déclaré comme tel que "par un pays ou par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés". D’où la nature essentiellement "politique" de ce terme. En effet, seul celui qui à qui l'on octroie ce statut peut demander l’asile. En France, c’est l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) qui décide d'accorder ou non le droit d'asile.

Migrant, un terme neutre. A l’opposé, le terme générique de "migrant", lui, est "beaucoup plus neutre", poursuit Hélène Thiollet. Il concerne simplement quelqu’un "ayant passé plus d’un an dans un pays qui n’est pas celui dont il a la nationalité". Derrière le mot - qui ne dit rien des causes pour lesquelles on quitte un pays ou une région -, énormément de gens peuvent ainsi être désignés. En France, les migrants qui arrivent n'ont pas encore de statut déterminé : ce sont "potentiellement des réfugiés ; potentiellement des migrants économiques, avec un statut ; potentiellement de futurs clandestins, car des migrants irréguliers", détaille la chercheuse.

Le rôle des hot spots pour trier les migrants. Si tout réfugié est un migrant, tout migrant n’est pas un réfugié ou un demandeur d’asile. Les hot-spots mis en place en Italie, en Hongrie et en Grèce où quatre viennent d'ouvrir, doivent accueillir les arrivants et permettre de déterminer leur statut en les triant et les contrôlant, en recueillant leurs témoignages, etc. Mais, "cette détermination est extrêmement complexe parce que les raisons pour lesquelles sont souvent multiples : on peut fuir une zone de guerre, mais avoir aussi des aspirations de type économique, c’est-à-dire vouloir avoir plus d’argent pour nourrir sa famille", développe Hélène Thiollet. 

>> Retrouvez l'interview de Hélène Thiollet par Anne Sinclair, dans son intégralité, en cliquant ici