Anne Sinclair été l'invitée de Patrick Cohen, sur Europe 1 (photo d'archives). 5:18
  • Copié
Antoine Terrel
En s'intéressant au parcours de son grand-père, la journaliste a découvert qu'il avait été déporté dans un camp à Compiègne en décembre 1941, en compagnie de 742 autres Juifs Français. Un chapitre méconnu de l'Occupation de la France pendant la guerre, qu'elle raconte dans un livre publié chez Grasset. 
INTERVIEW

En s'intéressant à son histoire familiale, Anne Sinclair a peu à peu levé le voile sur un chapitre méconnu de la Seconde guerre mondiale et de l'Occupation, qu'elle raconte dans son livre La rafle des notables, publié chez Grasset. Au départ, la journaliste voulait s'interroger sur le parcours de son grand-père, Léonce Schwartz, dont elle savait juste qu'il avait échappé à la déportation, après s'être échappé du camp de Drancy. Mais au cours de ses recherches, l'ancienne présentatrice vedette de 7 sur 7 a découvert qu'il avait été en réalité déporté et enfermé, avec 742 autres Juifs français, dans le camp de Compiègne, sous administration allemande.

Invitée dimanche de C'est arrivé cette semaine, sur Europe 1, elle est revenue sur les circonstances de cette page tragique de l'histoire. "Au départ, je voulais retracer l'itinéraire de mon grand-père pendant la guerre, qui de fait, m'était assez peu connu. Mais s'il y a un livre, c'est parce que j'ai découvert une rafle et un camp, qui, s'ils étaient connus des spécialistes, ne l'étaient pas de moi", explique Anne Sinclair.   

"Des représailles après des attentats contre les forces d'occupation"

Les faits historiques décrits dans le livre ont eu lieu en décembre 1941. 743 Juifs Français avaient alors été raflés et enfermés dans ce camp sous administration allemande. C'est de ce camp dont partira quelques mois plus tard, en mars 1942, le premier convoi de déportés de France vers Auschwitz.

Cette rafle, effectuée avec l'appui de policiers et de gendarmes français, était "voulue par les nazis comme des représailles après des attentats commis contre les forces d'occupation", raconte Anne Sinclair. "C'est la première rafle qui a fourni le premier contingent de Juifs déportés de France." 

"Les Allemands ont visé ceux qu'il appelaient les 'Juifs influents'"

Lors de cette opération, les Allemands ont surtout arrêté des chefs d'entreprise, des magistrats, ou des intellectuels. "Ils ont d'abord visé ceux qu'ils appelaient des 'Juifs influents'". Parmi les personnes déportées, on retrouve notamment le mari de Colette, ou le frère de Léon Blum. Le grand-père d'Anne Sinclair, lui, était un "petit chef d'entreprise qui avait un commerce de dentelle". 

Ces Juifs français, généralement installés dans des quartiers bourgeois et "intégrés depuis des générations" dans la société française, "se sont demandés pourquoi on les arrêtait", narre Anne Sinclair. "C'était souvent d'anciens combattants, et ils se disaient : 'J'ai toujours servi la France, pourquoi suis-je arrêté ?'" 

"Ce camp était un camp nazi en France"

Mais dans le camp de Compiègne, ces Juifs français ont côtoyé d'autres nationalités. En effet, pour atteindre un quota de 1.000 détenus exigé par les autorités, les Allemands avaient aussi enfermé 300 Juifs étrangers, "des réfugiés de Pologne, d'Allemagne, de Hongrie, de Roumanie, qui avaient fui le nazisme et avaient été internés par la France à Drancy", précise Anne Sinclair, qui raconte "une cohabitation étonnante de Juifs très intégrés en France et de Juifs étrangers qui, eux, avaient déjà connu les pogroms et les discriminations". 

"Ce qui m'a frappé, confie Anne Sinclair au micro de Patrick Cohen, c'est que ce camp était un camp nazi en France, administré par les Allemands, théoriquement par la Wehrmacht, mais en réalité par la Gestapo, et tout ça à 70 kilomètres de Paris. Et si le camp ne comportait pas de chambre à gaz, "la solution finale était en marche par d'autres moyens", assure-t-elle, avec "la mort par la faim, le froid la maladie, des conditions d'hygiène atroces."