Quelles routes existaient en l'an 150 ? Des chercheurs ont cartographié l'immense réseau de l'Empire romain
Une équipe de chercheurs a compilé une immense quantité de données archéologiques et historiques pour concevoir une carte, disponible en ligne, des routes de l'Empire romain à son apogée, autour de 150 après J.C. Elle permet de mieux comprendre l'organisation politique et économique de la Rome antique.
De l'Écosse à l'Égypte en passant par la Bretagne, le Sahara et le Moyen-Orient. Voici l'ampleur du territoire que couvrait l'Empire romain à son apogée. Une immensité que des chercheurs ont reconstitué à travers une carte disponible en ligne représentant les routes romaines - principales et secondaires - autour de 150 après J.C, période où l'empire et ses 4 millions de km² paraissait intouchable.
Ce site internet, itiner.e, répertorie de manière extrêmement précise tous les tracés utilisés à l'époque et permet même de simuler un trajet d'une cité à l'autre avec le temps de parcours associé. Ainsi, à dos de cheval, un trajet entre Marseille et Constantinople prenait environ 19 jours. La carte propose également un itinéraire à suivre, exactement comme si vous étiez sur Google Maps. Il est donc possible de zoomer à hauteur de votre lieu de résidence pour voir si les routes autour de chez vous existaient il y a 20 siècles.
300.000 km de routes
Cette vaste étude, publiée dans la revue Nature et menée par Tom Brughmans, Adam Pazout et Pau de Soto, a mobilisé une quantité astronomique de sources historiques et archéologiques. Parmi elles, des cartes topographiques modernes et anciennes, dont la Table de Peutinger ou encore l'itinéraire d'Antonin qui rassemblent les principaux points de communication entre les villes. Des photographies aériennes modernes et historiques, ainsi que des cartes topographiques ont permis de croiser les informations ainsi rassemblées. Il a ensuite fallu numériser manuellement chaque tronçon de route sur une plateforme de système d'information géographique.
Les chercheurs ont ainsi pu cartographier près de 300.000 km de routes, soit bien plus que l'Atlas numérique des civilisations romaines et médiévales (un peu moins de 200.000 km) et qui faisait office de référence en la matière. Un chiffre gonflé qui s'explique notamment par la précision des tracés. Là où des routes étaient principalement représentées par des lignes droites, elles suivent davantage le relief dans la version disponible sur Itiner.e, ce qui augmente mécaniquement la distance.
Quelques limites
Cette carte présente une importance capitale pour comprendre comment s'organisait le commerce de l'époque, mais aussi comment la transmission des savoirs et même de certaines maladies infectieuses pouvaient s'opérer. Elle permet par ailleurs de mesurer l'étendue de l'empire et ses connexions avec le reste du monde.
Néanmoins, elle comporte quelques failles. À commencer par le niveau de certitude du tracé de ces routes. Une grande partie d'entre elles ne sont le fruit que d'une simple hypothèse, certaines sources ne permettant pas d'établir avec exactitude leur localisation. "Pour l’essentiel, il est impossible de dater précisément la construction ou les modifications des routes. Le tracé de certaines voies reste même conjectural, faute de découvertes matérielles ou d’inscriptions. C’est néanmoins un outil scientifique très précieux pour comprendre l’organisation politique, administrative et économique de l’Empire romain", indique Bérangère Redon, chercheuse au CNRS au laboratoire HiSoMA à Lyon, interrogée par Le Figaro. Une carte que ne manqueront pas d'explorer dans ses moindres détails les passionnés de la période.