Julie Douib procès 1:21
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Marion Dubreuil , modifié à
Bruno Garcia-Cruciani est jugé depuis jeudi pour l'assassinat de son ex-compagne Julie Douib, devant les assises de Haute-Corse à Bastia. La jeune femme de 34 ans avait alerté la gendarmerie sur la dangerosité de l'accusé, en vain. Il encourt la prison à perpétuité et la question au cœur des débats est celle de la préméditation. 
REPORTAGE

La gendarme qui a dirigé l'enquête pour assassinat après la mort de Julie Douib se livre à un exercice d'équilibriste à la barre ce jeudi après-midi. Sandrine Didier doit développer tous les éléments qui vont dans le sens de la préméditation, tout en faisant la distinction avec le suivi des plaintes et des mains courantes de la jeune femme. Des procédures classées sans suite par la gendarmerie. "Julie n'a jamais été prise au sérieux par les gendarmes", déplorent ses parents.

La victime avait constitué un dossier depuis juin 2018

La première plainte de Julie pour violences remonte au mois de septembre 2018, juste après sa séparation avec Bruno Garcia-Cruciani. "Est-ce que, lorsque les faits sont graves, le parquet a l'habitude de recourir à la médiation pénale ? ", demande l'avocat de l'accusé à la directrice d'enquête. Julie Douib a ensuite déposé plusieurs mains courantes signalant que Bruno Garcia-Cruciani la suivait en permanence et qu'il rendait difficile l'exercice de la garde partagée de leurs deux enfants. Là encore, maitre Camille Radot s'appuie sur la décision du juge aux affaires familiales, en janvier 2019, de confier la garde principale des enfants à son client. "C'était dans l'attente d'une audience en mai", rectifie l'avocate des enfants. 

Julie Douib avait constitué un dossier depuis juin 2018 : 37 photos de ses bleus sur les bras et le dos, 57 enregistrements sonores et vidéos de scènes de dispute, de violence, parfois en présence de leurs enfants. Dans ces preuves audio, Bruno Garcia-Cruciani multiplie les insultes : "Mongole, débile, tapin". "Nous n'avons pas eu accès à ces documents de son vivant", se justifie le lieutenant Sandrine Didier. "Vous savez pourquoi elle ne vous a pas donné ces preuves ?", demande la présidente. La gendarme répond qu'elle ne peut répondre à la place de la victime. L'une des hypothèses évoquée est que la jeune femme de 34 ans ne voulait pas priver ses deux fils d'un père.

Un passé violent

Avant Julie Douib, Bruno Garcia-Cruciani avait déjà un passé de conjoint violent. Son ex-compagne est appelée à témoigner à l'audience. Elle aussi avait déposé plainte contre lui pour des violences. Sa voiture avait été incendiée et ses pneus crevés. Elle non plus n'avait pas été prise au sérieux. C'était il y a 15 ans mais elle est toujours terrorisée, refusant de venir au procès "par peur des représailles".

L'enjeu de la préméditation

L'accusé conteste toute préméditation. Le jour du drame, le dimanche 3 mars, il explique qu'il se rend au stand de tir lorsqu'il change d'avis en cours de route pour se rendre chez Julie Douib. Il souhaite discuter de la garde des enfants et de son nouveau compagnon. "Vous dites que vous avez sorti votre arme pour l'impressionner ?", lui demande la présidente. "C'est ça madame", répond l'accusé. Bruno Garcia-Cruciani parle d'une dispute qui a mal tourné, d'un tir accidentel puis il évoque un "trou noir". 

Des déclarations incompatibles avec les constatations balistiques, l'autopsie et les témoignages des voisins. Un témoin direct l'a vu pourchasser Julie avec son arme, la chevaucher sur le balcon avant de lui tirer dessus. Il aurait ensuite pris la fuite. 

"Il n'a jamais émis le moindre regret spontanément"

L'accusation a une tout autre lecture. La veille du meurtre, Bruno Garcia-Cruciani se confie à son beau-frère. Julie a un nouveau compagnon, il s'emporte. D'après le témoignage de ses deux fils, il exhibe alors une arme et tire deux coups en l'air. Son beau-frère aurait alors tenté de le mettre en garde. "Ne fais pas le con, pense à tes enfants tu vas les perdre", lui dit-il. Dans la soirée, il rôde à proximité du cinéma où Julie Douib s'était rendue avec son nouveau compagnon. Puis dans la nuit, il se rend à deux reprises à proximité du domicile de son ex-compagne.

Dimanche 3 mars, c'est à 17h30, lors de sa garde à vue, que l'accusé a appris la mort de Julie Douib. "Est-ce que vous pouvez me dire comment il a réagi ?", demande Jean-Sébastien de Casalta, l'avocat des parents de Julie Douib. "Effondré, alors qu'il explique qu'il n'a pas voulu lui donner la mort, ou calme, sans émotions ?" "Il était calme, sans émotion", répond le gendarme qui a mené la garde à vue. "Il n'a jamais émis le moindre regret spontanément."