Procès Barbarin : "Cardinal, vous êtes un menteur", lance un avocat des parties civiles

Me Boudot, l'avocat des parties civiles, s'est dit convaincu que le cardinal Barbarin savait dès 2010 que des abus avaient été commis.
Me Boudot, l'avocat des parties civiles, s'est dit convaincu que le cardinal Barbarin savait dès 2010 que des abus avaient été commis. © JEFF PACHOUD / AFP
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avec AFP
Un avocat des parties civiles a estimé mercredi que le cardinal Barbarin savait dès 2010 que le père Bernard Preynat avait commis des abus sexuels sur des scouts du diocèse. 

"Vous êtes un menteur", a lancé mercredi un avocat des parties civiles au cardinal Barbarin, jugé devant le tribunal correctionnel de Lyon avec cinq autres personnes pour ne pas avoir dénoncé les agressions d'un prêtre pédophile. "Je dis, cardinal Barbarin, que vous êtes un menteur quand vous dites que vous avez appris en 2014 l'étendue des dégâts", a affirmé Me Jean Boudot. "Une chose est certaine, c'est qu'en 2010, il (le cardinal, ndlr) savait parfaitement".

Il avait rencontré le prêtre en 2010. L'archevêque de Lyon soutient avoir eu précisément connaissance des abus commis par le père Bernard Preynat sur des scouts du diocèse avant 1991 en rencontrant pour la première fois l'une de ses victimes en novembre 2014. Auparavant, dans les années 2000, il n'aurait eu vent que de "rumeurs". En 2010 pourtant, Mgr Barbarin avait rencontré le prêtre. Sans en savoir assez pour le dénoncer à la justice, selon ses dires.

L'avocat rappelle les déclarations du père Preynat à la police. Me Boudot est convaincu du contraire. Il en veut pour preuve les déclarations du père Preynat à la police. Il y parle de son entretien d'une "petite heure" avec le cardinal pendant laquelle il a répondu "aux questions" de Mgr Barbarin. De quoi tout savoir sur son passé sexuel, estiment les parties civiles. Pour le parquet, ces faits sont de toutes façons prescrits. Et à partir de 2014, le procureur a écarté toute volonté d'entraver la justice chez le cardinal, la victime rencontrée alors, quadragénaire, pouvant elle-même porter plainte - ce qu'elle fit au final.

Me Boudot conteste cette analyse, reprise par la défense : "L'obligation de dénoncer existe quand on a connaissance d'agressions sexuelles sur un mineur de moins de 15 ans, point. Où avez-vous vu qu'on n'a plus à dénoncer quand un mineur est devenu majeur ?". L'avocat a fait aussi valoir les condamnations de deux évêques, en 2001 et 2018, dans des dossiers similaires : selon lui, les tribunaux de Caen et Orléans ont répondu par avance aux arguments de la défense sur l'absence d'infraction.

L'avocat plaide la "continuité" du délit. Mardi, un avocat de Mgr Barbarin, Me Jean-Félix Luciani, avait reproché à des plaignants de ne pas poursuivre également leurs parents ou proches auxquels ils avaient pu se confier dans le passé. "La seule question, c'est de savoir si ceux qui sont ici ont commis une infraction en omettant d'informer l'autorité judiciaire des faits dont ils avaient connaissance. Point", a répondu Me Boudot. L'avocat a enfin plaidé la "continuité" du délit - envisagé par le parquet comme "instantané" - pour écarter toute notion de prescription. L'article du Code pénal relatif à la non-dénonciation est classé dans les entraves à la justice: "si l'objectif est sa saisine, l'obligation de dénoncer demeure tant qu'elle n'est pas saisie", a-t-il conclu.