Pollution de l'air : pourquoi le dépôt de plainte d'une victime a peu de chances d'aboutir ?

pollution, Paris, Tour Eiffel, 2016 crédit : LIONEL BONAVENTURE / AFP - 1280
En décembre 2016, Paris avait connu un épisode de pollution qui avait duré plusieurs semaines © LIONEL BONAVENTURE / AFP
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Marthe Ronteix
Malade depuis des années et particulièrement lors des pics de pollution de la capitale, une Parisienne dépose plainte mercredi contre l'État dans l'espoir d'obtenir réparation pour ses frais médicaux et ses absences au travail. 

Depuis qu'elle s'est installée à Paris, il y a trente ans, Clothilde Nonnez, 57 ans, a développé de nombreuses maladies respiratoires dont de l'asthme. La cause selon elle ? La pollution de l'air parisien. Alors elle a décidé de déposer plainte mercredi contre l'État auprès du tribunal administratif de Paris. Elle lui reproche de ne pas avoir fait respecter les normes de qualité de l'air, rapporte FranceInfo, et réclame réparation. 

Une situation qui concerne trop de monde. À travers ce dépôt de plainte, la victime veut avant tout attirer l'opinion sur le problème de la pollution urbaine qui serait responsable de 48.000 décès par an, selon une étude parue en 2016. À la suite du pic de pollution de décembre 2016 qui avait duré trois semaines, une dizaine de familles avaient déjà engagé une procédure similaire contre l'État. Ce type d'initiatives permet avant tout de faire émerger un problème.

Puisqu'il existe plusieurs requêtes similaires, l'action de groupe semble être un possibilité envisageable. Cette disposition légale, entrée en vigueur en 2016 pour le domaine de la santé, permet à des personnes individuelles de se regrouper pour intenter une action commune en justice. "Mais dans ce cas, le nombre de victimes risque d'être très important", nuance Benoît Camguilhem, maître de conférences en droit public à l'Université de Rouen, auprès d'Europe1.fr. Or "si la requérante obtient intégralement gain de cause, ce serait un énorme appel d'air pour d'autres procédures coûteuses pour l'État".

Une carence fautive de l'État difficile à estimer. Dans ce dossier, le juge du tribunal administratif va devoir déterminer s'il y a une "carence fautive" de la part de l'État, explique Benoît Camguilhem. Or pour que cette faute soit reconnue, la carence doit l'être par rapport à une obligation qui n'aurait pas été respectée. Or la mise en place de la circulation alternée ponctuellement et des vignettes anti-pollution laisse penser que l'État agit bien pour sortir de cette situation.

Dans le cas de la pollution de l'air, l'obligation de l'État semble être de mettre en place des mesures plutôt que d'atteindre un résultat. C'est sur la base de cette nuance que le spécialiste doute de la réussite de cette action en justice, car l'État n'a pas l'obligation d'assurer un air pur dans ses grandes métropoles. 

Une preuve du lien entre la pollution et les maladies difficile à apporter. Par ailleurs, "pour que la responsabilité de l'État soit reconnue, il faut apporter des preuves du lien entre la carence fautive et le préjudice", détaille Benoît Camguilhem. Or cela semble difficile dans ce cas précis. Bien que Clothilde Nonnez ait assuré auprès de FranceInfo qu'elle possédait des certificats médicaux prouvant que ses maladies respiratoires sont liées à la pollution de l'air, cela ne devrait pas suffire.

Car "le lien de causalité doit être direct et certain. Or même si on estime que la maladie est liée à la pollution, cette cause ne peut pas être imputée totalement à la carence de l'État" à assurer un air non pollué dans la capitale. Dans cette perspective, une réparation financière semble inenvisageable pour le spécialiste. Néanmoins rien que la reconnaissance d'une carence serait déjà "un signe très fort", conclut Benoît Camguilhem.