La pilule masculine est un peu le serpent de mer de la contraception. Voilà des années que les chercheurs multiplient les tests pour développer un produit fiable et promettent une commercialisation prochaine, sans pour autant donner de date précise. En parallèle, la demande existe. Selon un sondage CSA réalisé en 2012, 61% des hommes affirment qu'ils seraient prêts à prendre une pilule contraceptive si elle existait. Il faut dire que les moyens de contraception masculine sont limités : soit le préservatif, pas fiable à 100%, soit la vasectomie, irréversible.
Des tests prometteurs. Ces dernières semaines, le serpent de mer a refait surface grâce à des tests réalisés dans différentes universités. Ainsi, les chercheurs de Wolverhampton, au Royaume-Uni, font renaître l'espoir. Ils ont mis au point des mini-protéines (ou peptides) capables de pénétrer les spermatozoïdes, chose assez difficile, et de modifier leur fonctionnement. Précisément, les peptides agissent sur la mobilité des spermatozoïdes, avec à la clé, la possibilité de les bloquer lors de l'éjaculation. Reste néanmoins à convertir ces protéines en pilules stables et efficaces.
Encore des obstacles. Trouver comment neutraliser les spermatozoïdes n'est cependant pas le plus difficile. L'un des principaux obstacles à une pilule masculine est la réversibilité. Une fois prise, la pilule ne doit pas avoir d'effet à long terme sur la fertilité et la libido. Or, les scientifiques ont longtemps buté sur ce problème. Mais au-delà des questions scientifiques, il y a des blocages d'ordre sociologique ou psychologique au développement de la pilule pour hommes. C'est en tout cas ce que semble montrer une étude publiée fin octobre dans le Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism. Un test de contraception hormonale masculine par injection a été mené sur 320 volontaires. Les résultats sont pourtant encourageants : les injections de progestérone ont réduit la production de spermatozoïdes dans 96% des cas.
Effets secondaires désagréables. Mais les effets secondaires, "légers" dans la plupart des cas, posent visiblement problème. 45% des hommes ont présenté de l'acné, 38% ont dit sentir leur libido augmenter, 23% ont souffert de douleurs à l'endroit de l'injection, 17% ont mentionné des troubles émotionnels (sautes d'humeur, dépression, agressivité...). De fait, les essais ont été abandonnés avant même d'envisager un passage du vaccin à la pilule. Un abandon qui peut paraître assez étrange étant donné que la pilule pour femmes entraîne elle aussi des effets secondaires dérangeants : nausées, prise de poids, crampes abdominales, maux de tête... Ce qui n'empêche pas de la commercialiser.
Les hommes prêts à avaler la pilule ? La question se pose donc d'une énième inégalité de traitement entre les hommes et les femmes. Alors qu'il est admis que les femmes peuvent accepter de souffrir des effets secondaires de la contraception, il ne semble pas en être de même pour les hommes. Une pilule contraceptive masculine ne peut, semble-t-il, pas être commercialisée avec des effets secondaires. Et en attendant, la contraception dans le couple continue de reposer en grande partie sur la femme. Toutefois, l'espoir subsiste : malgré les douleurs et autres sautes d'humeur, 74% des participants de l'étude ont déclaré être satisfaits de la méthode testée et 85% se disent prêts à l'utiliser si elle existait dans le commerce. Preuve que la question est autant sociétale que scientifique.