Pascal Praud a évoqué les fiches S avec un auditeur et Georges Fenech. 2:26
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Gauthier Delomez
Trois jours après l'attaque au couteau à Arras, perpétrée par un homme fiché S, certains auditeurs de l'émission "Pascal Praud et vous" - tous les jours de 11 heures à 13 heures - se demandent s'il est possible de diffuser les visages des personnes fichées S pour les reconnaître. Mais cela entraverait le travail des services de renseignement, précise l'ancien magistrat Georges Fenech à Europe 1.

En France, plus de 20.000 personnes seraient visées par une "fiche S", un outil des services de renseignement qui permet de suivre des personnes pouvant potentiellement représenter un danger. C'était le cas de Mohammed Mogouchkov, l'assaillant d'Arras qui a tué un enseignant et blessé trois autres personnes vendredi dernier dans un lycée public.

Quelques jours après ce drame, des auditeurs de l'émission Pascal Praud et vous s'interrogent sur ces "fichés S", comme Lucien. Cet agriculteur résidant près de Gap dans les Hautes-Alpes a échangé avec Pascal Praud lundi en se demandant où vivaient ces ressortissants concernés par ce fichage. "Malheureusement, ces gens-là, on ne sait pas où ils sont. J'ai demandé à mon maire s'il y avait des fichés S dans la commune, il ne savait pas. Il devrait y avoir leurs photos sur les murs de la mairie, on devrait les connaître", a-t-il avancé sur Europe 1.

Le secret des enquêtes administratives

En réalité, ces fichiers "doivent rester secrets dans le cadre du travail des renseignements", éclaire Georges Fenech, ancien magistrat et auteur du livre auteur du livre L’ensauvagement de la France : La responsabilité des juges et des politiques. "Si vous commencez à placarder les 20.000 noms des inscrits sur ces fichiers, cela n'aura plus aucun intérêt puisque les individus sauront qu'ils sont fichés. Ceci est couvert par le secret des enquêtes administratives", poursuit-il auprès d'Europe 1.

Rendre public les identités des personnes inscrites et diffuser leur photo serait également contraire à la législation, et notamment au droit à la vie privée, ajoute Georges Fenech.

"Les maires devraient être informés" de la présence d'individus fichés S, estime Georges Fenech

Toutefois, cette information circule au sein de l'administration : les préfets connaissent effectivement les personnes concernées par une fiche de sécurité, mais pas les maires, souligne l'ancien député, pour répondre à l'intervention de l'auditeur. Georges Fenech y serait pourtant favorable : "Les maires devraient être informés par les préfets de tel ou tel individu qui peuvent représenter un danger. Pourquoi ? Parce que les maires nomment à des fonctions, ils accordent des subventions à des clubs de football, ils nomment des agents administratifs...", énumère-t-il.

Aujourd'hui, il est néanmoins possible pour les édiles de demander ce type d'information, en vertu d'une circulaire de novembre 2019. "Elle prévoit que lorsque le maire a un doute quand il doit nommer à un poste sensible, il interroge la préfecture qui doit alors lui répondre. Le préfet doit l'informer, à condition que le maire signe une charte de confidentialité, il ne peut pas lui-même l'ébruiter", souligne l'ancien magistrat.

En Belgique, les bourgmestres - l'équivalent des maires - sont eux au courant lorsque qu'une personne surveillée par les autorités réside dans leur commune, ajoute Georges Fenech. Celui-ci avait rencontré la bourgmestre de Molenbeek peu après les attentats de 2015, et elle disposait d'une liste de fichés S qui habitaient la ville. "On peut très bien imaginer cela chez nous aussi, avec une charte de confidentialité", conclut l'ancien député.