Attentat de Strasbourg / AFP 2:10
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Arthur Helmbacher avec Charlotte Baechler, édité par Antoine Terrel , modifié à
Un an après l'attentat qui a frappé la capitale alsacienne, les survivants, témoins, ou proches des victimes, tentent de se reconstruire sans céder à la haine. 
REPORTAGE

L'émotion a été vive, mercredi, à Strasbourg. Un an après le 11 décembre 2018, la capitale alsacienne commémorait l'attentat du Marché de Noël de la ville, lors de laquelle cinq personnes avaient été tuées et une dizaine d'autres blessées. Aujourd'hui, les survivants, témoins, ou proches des victimes, tentent de se reconstruire en refusant de céder à la haine. 

De son propre aveu, Martine "ne devrait pas être vivante". La balle tirée par le terroriste Chérif Chekatt a traversé ce soir-là ses deux manteaux, pour s'arrêter à quelques millimètres de son cœur. "La détonation a été extrêmement forte, très violente", se souvient-elle au micro d'Europe 1. Mais pour cette Strasbourgeoise, la survie s'est accompagnée d'un sentiment de culpabilité. "Les deux personnes décédées rue des Orfèvres étaient des jeunes. Et moi, je suis plus âgée. Dans l'ordre des choses, c'est quand même moi qui aurait dû partir avant eux", témoigne-t-elle. 

"Dans ma deuxième vie, tous les instants doivent être beaux"

Une tristesse qui s'accompagne d'un fort sentiment d'insécurité, même un an après les faits. "Je ne peux pas rentrer dans les transports en commun, parce que j'ai toujours peur. Parfois, je sors carrément du tram", regrette-t-elle. D'ailleurs, "pas question" de remettre les pieds au Marché de Noël. "À chaque fois que je revois quelqu'un avec un bonnet noir, j'ai l'impression qu'il y a le terroriste à coté de moi", décrit-elle. 

Malgré tout, pour avancer, Martine tient à rester "dans un processus de paix et de résilience". Et de conclure : "Dans ma deuxième vie, tous les instants doivent être beaux".  

"Je n'ai jamais eu de sentiment de haine"

Parmi les victimes touchées mortellement à côté de Martine ce soir-là, Bartek, un jeune musicien. Interrogée par Europe 1, son amie Claire, comme tout son entourage, incarne peut-être cette résilience strasbourgeoise. "On était tous abîmés, terrorisés, sidérés", concède la jeune femme, "mais il ne fallait pas répondre à cette violence par une nouvelle violence".

"Je n'ai jamais eu de sentiment de haine", ajoute-t-elle, affirmant s'inspirer de l'exemple de la mère de son ami tué il y un an. "C'est la grandeur de la maman de Bartek qui, quelques jours après avoir perdu son fils, a écrit un message aux parents du terroriste en leur disant qu'elle envoyait sa compassion à ceux qui avaient aussi perdu un fils", raconte Claire. "Quand il y a des gens aussi grands autour de vous, c'est quelque chose qui vous entraîne vers le haut."

Pas d'éclatement de la société à Strasbourg 

Cette résilience, Dominique Mastelli, médecin psychiatre aux hôpitaux universitaires de Strasbourg et dirigeant de la cellule d'urgence médico-psychologique mise en place au moment du drame, la constate aussi. "Globalement, à Strasbourg, il n'y a pas eu cet effet d'éclatement de société, pas de montée d'un groupe contre un autre", explique-t-il à Europe 1, affirmant que "le tableau n'est pas si mauvais que ça, voire même plutôt favorable par rapport à d'autres situations, au vu de l'impact". 

Si pour les victimes, "un impact indélébile" demeurera, "à côté de cela, il y a d'autres situations, des groupes de jeunes, des musiciens, qui ont pu se regrouper et utiliser des forces mutuelles pour traverser cet événement et construire quelque chose après le chaos", analyse encore le médecin.