"On ne peut plus parler de la France des invisibles", assure le géographe Christophe Guilluy

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Tiffany Fillon , modifié à
Le géographe Christophe Guilluy, auteur de "Fractures françaises" et du "Temps des gens ordinaires", a affirmé mardi sur Europe 1 qu'"on ne peut plus parler de la France des invisibles". Selon lui, les plus précaires sont en effet "très présents" et constituent même un "bloc majoritaire" dans la société. 
INTERVIEW

Pour le géographe Christophe Guilluy, théoricien du concept de "France périphérique", les catégories populaires ne sont plus invisibles dans la société, au contraire. "On les entend beaucoup plus qu'on ne les entendait il y a dix ans", a-t-il assuré sur Europe 1 lundi, pour sa première interview radio. Au micro de Sonia Mabrouk, le géographe a ainsi estimé qu'"on ne peut plus parler de la France des invisibles" car ces derniers sont, selon lui, "très présents" dans la société. 

Christophe Guilluy va plus loin, en les décrivant comme "un bloc majoritaire" face à ce qu'il appelle "La France d'en haut", autrement dit "les élites françaises". Cette réalité dépasserait même les frontières du pays, estime le géographe. En effet, ce groupe qui représente les plus précaires "est aujourd'hui en train d'émerger un peu partout en Europe et aux États-Unis", poursuit le spécialiste des fractures spatiales et sociales. 

"Les gens ordinaires prennent en charge la réalité"

Comment expliquer cette prise de pouvoir des plus faibles ? Parce que "les gens ordinaires prennent en charge la réalité", explique l'auteur du Temps des gens ordinaires (Flammarion)Ce phénomène s'est par ailleurs accentué pendant le confinement parce que "les gens ordinaires ont porté la société en France, en Europe et aux États-Unis" pendant cette période. 

Ces classes populaires ont aussi l'habitude de se réunir -contrairement aux plus aisés -, rendant leur combat plus visible. Ce groupe, qui connaît lui aussi des divisions internes, notamment culturelles, se sert des "solidarités" pour élargir "les champs du possible qui se restreignent", ajoute Christophe Guilluy. "Les gens ordinaires n'ont pas les moyens de l'individualisme", poursuit-il. Face à ce "bloc majoritaire", la France d'en haut épouse, selon Christophe Guilluy, une "vision libérale" appliquant le principe de "diviser pour mieux régner". 

Les revendications de ce groupe majoritaire les ont aussi aidés à sortir de l'anonymat. "Les gens veulent travailler. Cela impose dans le débat public des sujets que les élites ne voulaient pas traiter, comme l'industrialisation et les relocalisations", précise Christophe Guilluy. "Toutes ces thématiques sont imposées par ce bloc majoritaire".