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Chloé Lagadou, édité par Juliette Moreau Alvarez , modifié à
À l'occasion d'Octobre Rose, l'association Sœurs d'Encres accompagne les femmes dans leur reconstruction. Cette année, elle a proposé à 22 femmes de se faire tatouer pour recouvrir les cicatrices laissées par leurs mastectomies. Un "moment magique" pour ces femmes qui veulent se réapproprier leurs corps.

Un tatouage gratuit pour les femmes après un cancer du sein. C’est ce que propose l’association Sœurs d’Encres à l’occasion du mois d’Octobre Rose. Entre le 23 et le 24 octobre à Paris, 22 femmes pourront se faire tatouer pour recouvrir les cicatrices laissées par leurs mastectomies. Des tatoueuses engagées et affiliées à l’association travaillent bénévolement pour aider ces femmes à se reconstruire grâce à un dessin artistique.

Accepter de nouveau son corps

"C’est un vrai bonheur pour moi d’être là aujourd’hui", sourit Samia. Dans la pièce, au fond du salon de tatouage dans le 11e arrondissement, la musique rock et le bruit des aiguilles résonnent. Allongée sur la table, torse nu, Samia s’apprête à se faire tatouer le portrait d’une guerrière apaisée, comme elle aime à l’appeler. Le but ? Recouvrir la cicatrice laissée par l’ablation de son sein gauche.

"Accepter son corps après une mastectomie… c’est pas évident à regarder", confie cette femme de 55 ans. "Mais, j’ai très vite pensé que ma cicatrice symbolisait ma victoire sur ce combat, alors l’orner d’un tatouage c’est la fin d’un parcours", explique fièrement Samia.

C’est elle qui a choisi son dessin artistique, mais aujourd’hui c’est Audrey qui est à l’œuvre. Cette tatoueuse bordelaise est spécialisée dans le travail de l’encre sur les cicatrices. Bénévole pour l’association Sœurs d’Encres depuis six ans, elle sait comment s’y prendre pour tatouer un corps meurtri par des opérations et de la chimiothérapie. Emplacement du dessin, texture de la peau, Audrey étudie tout avant de commencer son travail. "On a essayé, avec le motif, de récupérer un équilibre visuel avec l’autre sein", explique la tatoueuse. "On fait attention à l’épaisseur de la peau : quand elle est très très fine, on va préférer certaines aiguilles à d’autres."

"Un moment magique"

Pour accompagner au mieux les femmes, l’association Sœur d’Encres s’entoure de professionnels du monde médical. Une chirurgienne, des oncologues, radiothérapeutes… Si les tatoueuses bénévoles de l’association savent travailler sur des cicatrices, le cancer du sein est, lui, bien particulier explique Nathalie Kaïd, la présidente de l’association : "La radiothérapie affine et brûle la peau, les tissus sont très fragiles. Alors nos tatoueuses reçoivent une information médicale et technique qui est faite par une chirurgienne qui leur explique toute la chirurgie du sein." Elle ajoute : "C’est important de savoir sur quoi on tatoue, et ce par quoi sont passées les femmes psychologiquement."

Après quatre heures de travail et de moment parfois douloureux, Samia découvre enfin son tatouage face au miroir, entourée par sa tatoueuse et d’autres femmes, impatientes, elles aussi, de regarder les leurs. Le silence dans la pièce est lourd. Tout le monde a le regard fixé sur Samia. Elle ouvre les yeux, se regarde, apprivoise le portrait de sa guerrière marqué dans sa peau. Un seul mot lui vient alors à la bouche : "Wahou".

"C’est un moment magique", confie Samia les larmes aux yeux et avec la chair de poule. "C’est extraordinaire, je vais pouvoir me réapproprier mon corps et me regarder alors que je fuyais quand même ce corps dans la glace." Plus qu’un tatouage, c’est nouveau départ pour cette mère de deux enfants. "C’est une nouvelle Samia, c’est clair."

En France, seulement 30% des femmes ayant subi un cancer du sein ont recourt à une reconstruction. Après une ablation des seins, mettre une prothèse est un parcours long : plusieurs opérations chirurgicales sont nécessaires. Alors l’association Sœurs d’Encre milite pour que le tatouage artistique, comme celui de Samia, soit reconnu comme une possibilité de reconstruction. Et à termes, qu’il soit pris en charge par la sécurité sociale.