Nathalie, 36 ans, violée par un inconnu quand elle était adolescente : "Ça m'a pris quinze ans pour me convaincre que je n'y étais pour rien"

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Anaïs Huet
Violée par un inconnu lorsqu'elle avait quinze ans, Nathalie a souffert de nombreuses années avant de parvenir à se reconstruire, à faire confiance à nouveau. Elle s'est confiée à Olivier Delacroix, jeudi sur Europe 1.
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>> En 1999, Nathalie, 15 ans à l'époque, est violée par un inconnu. Un événement extrêmement traumatisant, duquel la jeune femme a mis très longtemps à se remettre. Aujourd'hui âgée de 36 ans, elle a raconté son histoire à Olivier Delacroix, jeudi sur Europe 1.

"Ce jour-là, je marchais tranquillement sur le trottoir quand un homme s'est arrêté près de moi en voiture. Il me semble qu'il m'a demandé son chemin au départ, mais je ne suis plus sûre car j'ai un peu refoulé. On a discuté un peu. Je lui ai fait confiance, je me suis dit qu'il avait l'air gentil et qu'il allait bien me déposer là où j'allais. En fait, pas du tout. Il m'a emmenée dans une forêt, m'a demandé de me déshabiller et de m'allonger. J'ai refusé plusieurs fois, mais ce n'était pas la réponse qu'il attendait. Il a alors pris un air vraiment menaçant. J'ai cru qu'il allait me tuer, donc j'ai accepté, si l'on peut dire ça comme ça. Ce n'est pas une vraie acceptation, c'est une peur des menaces. Ce qui m'a guidée, c'est vraiment la peur de mourir. Après qu'il eut fini, il m'a redéposée près de chez moi.

>> De 15h à 16h, partagez vos expériences de vie avec Olivier Delacroix sur Europe 1. Retrouvez le replay de l'émission ici

Au moment du viol, j'avais l'impression que mon esprit sortait de mon corps. J'ai vécu le viol de l'extérieur, j'étais comme un fantôme. De temps en temps, je revenais à moi pour lui dire que je voulais rentrer chez moi. Mais j'étais là sans être là. Ça a pris presque un an avant que j'aie à nouveau l'impression d'être vivante.

À quinze ans, je n'étais pas très mature, j'étais encore une enfant. J'étais naïve. Ma réaction n'était pas anormale. D'accord, on dit aux enfants qu'il ne faut pas monter dans la voiture des inconnus, qu'il ne faut pas manger les bonbons que les inconnus nous donnent, mais on n'a pas conscience du mal quand on est jeune.

Entendu sur europe1 :
Pour les policiers, il s'agissait juste d'une incompréhension entre deux personnes

Quelques jours après, j'en ai parlé à une enseignante qui me demandait comment j'allais. Elle s'est sentie en incapacité de m'aider donc elle m'a envoyée voir l'assistante sociale du collège. Elle m'a mis la pression pour que j'en parle à mes parents, parce que je n'avais pas l'intention de le faire. Ensuite, on est allés porter plainte.

Au commissariat, les policiers m'ont bien accueillie. Ils m'ont proposé un verre d'eau parce que je tremblais. Et en même temps, il y a eu des paroles qui m'ont choquée et que je garde toujours en tête. Pour eux, il s'agissait juste d'une incompréhension entre deux personnes. Ils n'avaient pas bien réalisé que j'étais mineure, et que je n'étais pas prête à vivre ça.

Je ne pouvais pas prouver qu'il m'avait violée. Dans un premier temps, mon violeur a dit qu'il ne m'avait jamais rencontrée. L'enquête a continué. Puis au bout de six mois, il a dit que j'étais consentante. Et comme on ne pouvait prouver ni l'un ni l'autre, ça s'est terminé en non-lieu. C'est un peu violent. 

Au commissariat, j'ai appris que j'étais la huitième personne à porter plainte contre cet agresseur. Il n'a jamais été condamné dans les autres affaires. On espère toujours qu'il n'y a pas eu d'autres victimes après, mais je suis sûre que si.

Entendu sur europe1 :
Pendant longtemps, j'ai eu beaucoup de mal à tolérer le contact physique. Si quelqu'un posait juste une main sur l'épaule, je sursautais

On passe par des tas de phases. La culpabilité est extrêmement présente et dure très longtemps. Pendant des années, on se dit : 'mais si j'avais fait ça, et pas ça ?' Après, il y a la colère de l'injustice, car on n'a pas été reconnue comme victime et le coupable peut recommencer. C'est un vrai échec. Quand on porte plainte, c'est justement pour que la personne ne puisse pas recommencer.

Pendant longtemps, je suis devenue extrêmement méfiante. J'ai eu beaucoup de mal à tolérer le contact physique. Si quelqu'un posait juste une main sur l'épaule, je sursautais. Petit à petit, j'ai pu rencontrer des hommes en qui j'ai pu avoir confiance. Là je suis en couple depuis 13 ans avec le même homme en qui j'ai une confiance totale, qui est au courant de ce qui s'est passé et qui est à l'écoute. On forme un couple soudé et ça aide beaucoup.

Tant que l'affaire était en cours, j'essayais de me rappeler de tous les détails pour les décrire aux interrogatoires suivants. Mais à partir du moment où l'affaire a été classée, j'ai pu commencer à tourner la page. Ça m'a pris quinze ans pour passer à autre chose, pour accepter, pour me convaincre que je n'y étais pour rien. J'étais juste là au mauvais moment et au mauvais endroit. Mais on n'est jamais complètement guérie. Il suffit d'une odeur, d'une petite chose qui nous rappelle ce qu'on a vécu, et on se retrouve à nouveau en situation difficile. J'ai des séquelles, encore aujourd'hui.

J'habite toujours dans la même ville mais je ne me rappelle absolument pas à quoi il ressemble. Je pourrais le croiser, je ne le reconnaîtrais pas."