lyon turin 2:36
  • Copié
Caroline Baudry (envoyée spéciale à La Chapelle), avec AFP / Crédits photo : OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP , modifié à
De brèves échauffourées ont opposé les forces de l'ordre et les manifestants réunis pour protester contre le chantier de la ligne grande vitesse du Lyon-Turin, samedi après-midi près de Saint Rémy-de-Maurienne, en Savoie. Cette manifestation a rassemblé près de 5.000 manifestants écologistes selon les organisateurs, et 3.000 selon les autorités.
L'ESSENTIEL

De brèves échauffourées ont eu lieu samedi peu après le départ de la manifestation contre la ligne ferroviaire grande vitesse Lyon-Turin, qui rassemble près de 5.000 manifestants écologistes selon les organisateurs - plus de 3.000 selon les autorités - dans la vallée de la Maurienne en Savoie. Vers 15 heures, quelques manifestants ont lancé des pierre contre les forces de l'ordre près de Saint Rémy-de-Maurienne, a constaté l'AFP sur place, hors de de la zone d'interdiction délimitée par la préfecture de Savoie.

Les principales informations :

- 12 gendarmes ont été blessés, et 96 ressortissants étrangers ont été refoulés à la frontière, dit Darmanin

- Quelques dizaines de militants ont traversé à pied la rivière Arc pour rejoindre l'autoroute de l'autre côté

- De brèves échauffourées et un incendie ont émaillé la manifestation

Retour au calme après les tensions

Les opposants à la ligne ferroviaire Lyon Turin, campés toute l'après-midi sur une route dans la vallée de Maurienne, se sont repliés sur leur camp de base au terme de leur manifestation samedi, marquée par une brève occupation de l'autoroute A43 et des échauffourées au niveau de Saint-Rémy-de-Maurienne. "96 ressortissants étrangers, connus des services, ont été refoulés à la frontière. Plus de 400 objets dangereux ont été saisis lors des contrôles en amont. Soutien aux 12 gendarmes blessés", résume un tweet de Gérald Darmanin.

Les organisateurs, eux, évoquent "plusieurs blessés" dans leurs rangs pendant le rassemblement à l'appel d'une dizaine de mouvements, dont les Soulèvements de la Terre, menacés de dissolution par le ministère de l'Intérieur, et les No-Tav italiens, mobilisés contre un chantier "pharaonique" et "néfaste" pour l'environnement, la biodiversité et les ressources en eau de la vallée. "La sécurité des personnes et des biens, qui était notre objectif principal, a été globalement assurée", a déclaré le préfet de Savoie François Ravier au cours d'un point de presse en fin de journée.

Présent dans le cortège, un groupe d'élus EELV et LFI a essayé de négocier avec les autorités pour "aller un peu plus loin" dans leur parcours, tandis que les manifestants patientaient sous un soleil torride sur une petite route à proximité de Saint-Rémy-de-Maurienne, à une trentaine de km de la frontière italienne. C'est alors qu'"un groupe de radicaux", constitué d'environ 300 personnes, a provoqué les heurts avec les forces de l'ordre après s'être "constitué en blackbloc" puis a "tenté de bloquer l'autoroute A43" qui a été fermée temporairement à cause de leur intrusion, a détaillé le préfet. Après ce dernier incident, le cortège est progressivement retourné dans le calme vers son camp de base.

L'autoroute A43 brièvement coupée

Alors que le cortège commençait à refluer, quelques dizaines de militants, bloqués sur une route départementale sous un soleil de plomb faute d'avoir réussi à négocier un parcours avec les autorités, ont traversé à pied la rivière Arc pour rejoindre l'autoroute de l'autre côté, se tenant par la main pour résister au fort courant.

 

Les forces de l'ordre sont rapidement intervenues pour les chasser de l'autoroute, faisant usage de gaz lacrymogènes, tandis que le gros des manifestants les huaient depuis l'autre rive toute proche. Après cet incident, les opposants ont graduellement fait demi-tour pour retourner vers le camp de base sur la commune voisine de La Chapelle, hors du périmètre interdit par la préfecture, laissant derrière eux des barricades improvisées en flammes.

Une manifestation non-déclarée

Des protestataires avaient auparavant envahi la voie ferrée à proximité, a aussi constaté l'AFP, alors que la circulation des trains a été stoppée en raison de la situation en début d'après-midi, selon la SNCF. Le cortège s'était ébranlé dans le calme en milieu de journée à l'appel d'une dizaine d'organisations, dont les Soulèvements de la Terre, menacés de dissolution par le ministère de l'Intérieur, et les No-Tav italiens, mobilisés contre un chantier "pharaonique" jugé "néfaste" pour l'environnement, la biodiversité et les ressources en eau.

Le départ de cette manifestation non déclarée s'est fait depuis la commune voisine de La Chapelle, située hors du périmètre d'interdiction préfectorale. "Notre nombre est un signal politique (...) il y a quelques jours, les pro Lyon-Turin se sont réunis, ils étaient seulement 100, nous sommes des milliers à dire que nous voulons l'arrêt de ce projet inutile", a déclaré la cheffe parlementaire LFI Mathilde Panot, présente dans le cortège avec plusieurs élus Verts et LFI, avant les incidents.

"Esprit non-violent"

"Il n'y avait pas de raisons de ne pas autoriser cette manifestation dès lors qu'elle est dans un esprit non violent et nous on prônera toujours des logiques de non violences", a pour sa part souligné la sénatrice EELV Fabienne Grebert. Avec un groupe d'élus, la sénatrice a essayé de négocier le parcours avec les autorités pour "aller un peu plus loin", alors que les manifestants patientaient sous un soleil torride sur une petite route à proximité de Saint-Rémy-de-Maurienne. Les échauffourées sont intervenues après ces négociations, selon l'AFP sur place.

Les arrêtés d'interdiction pris par la préfecture de Savoie sur neuf communes de la vallée ont été confirmés pour des raisons de sécurité par le tribunal administratif de Grenoble, selon une source au ministère de l'Intérieur. Les forces de l'ordre redoutent surtout des actions coups de poing de petits groupes réfractaires, selon une source policière. Au moins une trentaine "d'étrangers sous interdiction administrative du territoire ont été interpellés et remis aux Italiens" , selon la préfecture de Savoie.

Cinq bus de militants italiens, soit environ 280 personnes, sont aussi restés bloqués à la frontière, a constaté un correspondant de l'AFP sur place. "C'est quand même assez scandaleux, drôle que l'Etat et le gouvernement décident de s'attaquer à un mouvement, à des militants écologistes, à des paysans, à des syndicats alors qu'aujourd'hui il faudrait vraiment s'attaquer à toutes les industries, à tous ceux qui détruisent le vivant, qui sont en train de nous faire crever de chaud", a souligné Pina, la porte-parole des Soulèvements de la terre, lors des prises de parole.

 

"Énormément de monde venu de toute la France"

"Aujourd'hui c'est un moment historique dans cette vallée (...) il y a énormément de monde venu de toute la France, de l'Italie voire même de Suisse", s'est réjoui Philippe Delhomme, ancien élu local qui milite depuis des années au sein de l'association "Vivre et agir en Maurienne (VAM)". Soutenue par l'Union européenne, la nouvelle ligne doit à terme relier Lyon et Turin, avec 70% des voies en France et 30% en Italie, et un tunnel de 57,5 km traversant les Alpes entre Saint-Jean-de-Maurienne et Suse. Coût évalué : plus de 26 milliards d'euros.

Les partisans du projet mettent en avant la nécessité de réduire le flux de poids lourds, en constante augmentation, pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Ils invoquent aussi le développement économique que permettra selon eux une ligne ferrovaire plus rapide .

Les opposants, eux, font valoir qu'une ligne existe déjà et que le fret ferroviaire n'a cessé de baisser ces dernières années. Ils dénoncent aussi les impacts écologiques de ce chantier "ferroviaire titanesque, impliquant le forage de 260 km de galeries à travers les massifs alpins". Selon eux, les travaux ont déjà tari plusieurs sources et captages dans la vallée.