Logements sociaux : à Paris, des agents pour régler les conflits de voisinage

Immeubles Paris
Des agents pourront dresser des PV en cas d'incivilités dans les immeubles appartenant au bailleur social Paris-Habitat. Photo d'illustration. © JOEL SAGET / AFP
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Une centaine d'agents du bailleur social Paris-Habitat vont être assermentés pour dresser des PV contre les voisins irrespectueux. Ils interviendront dès le début de l'année prochaine.

Le voisin du deuxième qui jette ses canettes dans le jardin commun, la jeune femme au quatrième qui pousse la sono à fond toute la nuit ou encore les amis ivres du couple du premier qui se soulagent dans l'ascenseur… les problèmes de voisinage sont légion, les plaintes pour incivilité nombreuses. Rien qu'en 2016, le bailleur social Paris-Habitat, qui détient 100.000 logements à Paris, soit un sur dix, a recensé 5.000 signalements de ce type. Parmi les quelque 26.000 locataires de Paris-Habitat qui demandent à changer d'appartement, la plupart le font pour obtenir un logement plus grand. Mais les problèmes d'environnement et de voisinage sont la deuxième raison invoquée pour justifier un déménagement.

"Tout ça nous incite à trouver des solutions", explique Ian Brossat, adjoint PCF à la Mairie de Paris en charge du logement. "En matière de sécurité, des dispositifs existent déjà. Notamment le groupement parisien inter-bailleurs de surveillance (GPIS), une sorte de police des bailleurs sociaux qui intervient le soir. Mais là, il ne s'agit pas tellement de problèmes de sécurité, plutôt de petits soucis quotidiens qui pourrissent la vie des immeubles."

Une centaine d'agents en 2018. Pour s'en occuper, Paris-Habitat a donc décidé d'assermenter certains de ses agents. Principalement des gardiens d'immeuble, mais aussi quelques cadres. Une centaine d'entre eux ont suivi une formation d'une journée et demi. Une fois qu'ils auront prêté serment devant le tribunal administratif ce mois-ci, "ils se déploieront sur le terrain début 2018", indique Ian Brossat.

" On ne peut pas admettre qu'un habitant pourrisse la vie de tout son immeuble, il est nécessaire d'agir et de sanctionner. "

Ces agents interviendront dans quatre types de situation : les atteintes aux personnes (comme les injures), la dégradation des biens, les nuisances sonores et l'abandon d'objets encombrants dans les parties communes. À chaque fois, ils pourront dresser des procès-verbaux. "Ils les transmettront au parquet ou à la police, puis il reviendra à la justice de se saisir ou non du dossier", détaille Ian Brossat.

"Un travail de vigile". L'élu ne s'en cache pas : la mairie mise avant tout sur un effet dissuasif du dispositif. "La crainte de la sanction permet en général d'éviter ce type d'incivilités. On ne peut pas admettre qu'un habitant pourrisse la vie de tout son immeuble, il est nécessaire d'agir et de sanctionner s'il le faut." Si Ian Brossat insiste sur le fait que les agents assermentés ne sont pas là pour faire la police, du côté des syndicats, on craint tout de même un mélange des genres. "Comment voulez-vous qu'un gardien d'immeuble, qui doit déjà distribuer le courrier, passer l'aspirateur et sortir les poubelles, fasse un travail de vigile ?", tempête Patrick Barbero, directeur du service juridique de l'Union nationale pour l'information et la défense des gardiens d'immeubles et des employés de maisons (UDGE). "Assermenter les gardiens pour qu'ils fassent la police, c'est contraire aux droits des gardiens d'immeubles."

" Comment voulez-vous qu'un gardien d'immeuble fasse un travail de vigile ? "

"Dépassés par l'afflux de volontaires". Pour le syndicaliste, les gardiens sont déjà régulièrement victimes de violences de la part des locataires, et un élargissement de leurs prérogatives risquerait d'empirer la situation. "Lorsqu'on connaît les difficultés actuelles de la profession, un tel dispositif est hallucinant." Par ailleurs, il dénonce "l'absence de consultation" préalable sur le sujet avec la mairie. Et l'argument de Ian Brossat, qui souligne que tous les gardiens qui ont suivi la formation pour être assermentés sont volontaires, ne porte pas. "C'est une bouffonnerie", tranche le syndicaliste. "Les volontaires obligés, on connaît."

"On a été dépassés par l'afflux de volontaires", insiste Ian Brossat. "C'était d'ailleurs une agréable surprise." La mairie de Paris, qui prend l'exemple de villes comme Nice où Calais, où le dispositif a déjà été mis en place, est bien décidée à l'élargir aux deux autres bailleurs sociaux de la capitale si celui-ci se révèle concluant.