La gare de l'Est, à Paris (image d'illustration).
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Guillaume Perrodeau
Chez Christophe Hondelatte mercredi, un ancien cheminot, employé dans une grande entreprise de sous-traitance, raconte sa galère quotidienne pendant onze ans.

D'abord embauché comme un simple intérimaire, Léon Cornec va gravir les échelons dans une grande entreprise de sous-traitance (qu'il surnomme Htransport), chargée par la SNCF et la RATP de veiller au bon fonctionnement des lignes. Une expérience au cours de laquelle il va être confronté à des défaillances en séries. Dans son livre Sortie de rails et chez Christophe Hondelatte mercredi, il livre son constat alarmant sur la santé du ferroviaire en France.

 

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Accidents graves, sous-qualification, alcoolisme

Un pseudo, pour lui, ainsi que l'entreprise dans laquelle il a travaillé pendant onze ans. Léon Cornec débute à Htransport en tant qu'intérimaire en 2006. Dès son premier jour, il comprend là où il a mis les pieds. Il est chargé d'une tâche sensible, seul, sur laquelle il se forme sur le tas, avec du matériel hors d'usage. Pire, la personne chargée de prévenir si un train arrive alors que ses collègues sont affairés sur les voies est... complètement ivre. Une entrée en matière qui n'aura malheureusement rien d'exceptionnelle. Accidents graves, sous-qualification, alcoolisme, pauvreté des conditions de travail, vétusté du matériel, Léon Cornec va gravir les échelons dans cette entreprise où chaque expérience est encore un peu plus inquiétante.

"Il y a énormément d’accidents suite à l’alcool, des gens qui se tuent"

Avec son livre, Léon Cornec se défend de vouloir faire peur. "Je me suis mis dans la peau de ce pauvre cheminot à Brétigny-sur-Orge, qui a été mis en examen après cet accident où il y a eu sept morts. (...) On a juste trouvé un bouc émissaire ! Sa vie va être ruinée, à la place de tous ces grands groupes qui n’ont pas voulu affronter leurs responsabilités", affirme l'ancien cheminot.

En effet, Léon Cornec refuse d'accabler les équipes qu'il a pu fréquenter, notamment les ouvriers rongés par l'alcoolisme au point d'être incapable de travailler. "Ce sont des gens qui ont 35 ans d’expérience, qui ont toujours sacrifié leur vie pour la société", confie Léon Cornec, qui estime que ce sont les conditions de travail qui mènent les hommes dans cette dégradation personnelle. "Il y a énormément d’accidents suite à l’alcool, des gens qui se tuent", ne cache pas le cheminot. Mais pour Htransport, "cela coûte nettement moins cher d’avoir des morts sur un chantier, que de payer des pénalités à la SNCF", déplore Léon Cornec. "Les cheminots ne peuvent rien : ils sont de moins en moins et on leur en demande de plus en plus."

Un jour de 2016, Léon Cornec a craqué. Son supérieur vient lui faire une remarque. Il implose intérieurement, serre les dents, voit un marteau sur la table : l'idée de fracasser la tête de son chef lui traverse l'esprit. Il quitte le bureau en larmes et se rend immédiatement chez le médecin. Léon est en burn-out. Le médecin décrète trois semaines d'arrêt de travail. Elles se transformeront en trois années. La possibilité pour Léon Cornec de prendre du recul sur la situation et de poser ce constat terrible dans un livre.