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Elise Denjean, édité par Ugo Pascolo , modifié à
A ce stade du reconfinement, seul un fonctionnaire sur trois est en capacité de télétravailler, un chiffre très inférieur à celui du premier confinement. Si la pratique devrait augmenter selon le gouvernement, elle se heurte à une culture du travail à distance complètement absente de la fonction publique.    

Le télétravail n'est "pas une option", il doit être "la règle". Les propos de la ministre du Travail Élisabeth Borne prononcés la semaine dernière, au lendemain de l'annonce du reconfinement, sont parfaitement clairs. Pourtant, le gouvernement se heurte à une poignée d’entreprises réfractaires. Il s’apprête donc à durcir le ton, avec notamment des sanctions qui pourraient tomber dès la semaine prochaine.

Mais parmi les mauvais élèves, il y en a un qui se fait plutôt discret : la fonction publique. Pour l'heure, seul un fonctionnaire sur trois est en mesure de travailler à distance, partiellement ou complètement. Un chiffre très inférieur à celui du premier confinement contre le coronavirus.

"Une marge de progression"...

À cette période, près de la moitié des agents pouvaient télétravailler. L’autre moitié était évidemment, et c’est toujours le cas, composée des agents dont les activités ne sont pas réalisables en télétravail, les personnels des hôpitaux ou encore les policiers par exemple. Mais il y a "une marge de progression", reconnaît-on dans l’entourage d’Amélie de Montchalin.

La ministre de la Fonction publique a pourtant publié une circulaire à ce sujet, rappelant que le télétravail n’était pas réservé aux entreprises du privé et que les administrations devaient, elles aussi, s’y mettre. Sauf qu’à la différence du premier confinement, les guichets des services publics sont cette fois ouverts, ce qui fait logiquement baisser la part d’agents en télétravail.  

... et une montée en puissance

Le gouvernement note toutefois une montée en puissance. En témoigne l’utilisation du "réseau de l’État", une plateforme où les agents peuvent notamment accéder à leur boîte mail professionnelle : en 15 jours, elle a augmenté de 40%. Le niveau d’équipement des agents, informatique en tête, s’est lui aussi amélioré. Aujourd’hui, un quart des fonctionnaires, hors Éducation nationale, sont équipés pour télétravailler à 100%. Tandis que la moitié d’entre eux peut travailler partiellement de chez eux.

Des disparités géographiques 

Du côté des collectivités locales, un gros effort a été fourni. "Beaucoup ont profité des quelques mois de printemps et d’été pour se renforcer en matériel", explique Philippe Laurent, maire de Sceaux, dans les Hauts-de-Seine, et président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. 

Dans les métropoles, le taux d’agents du service public en télétravail atteint plutôt les 50%. Et pour cause, explique Philippe Laurent, "les métropoles sous-traitent davantage leurs missions à des entreprises privées". "Dans les communes, ce sont nos agents qui s’occupent des espaces verts, par exemple", explique-t-il. Pour sa ville de Sceaux, le maire considère que seul un fonctionnaire sur quatre peut télétravailler.  

L’absence de culture du travail à distance 

Reste que la fonction publique semble à la traîne sur ce sujet. Et la cause est plus profonde qu’un simple retard en équipement informatique. Selon une élue de la CFDT Fonction publique, "il n’y a pas de culture du travail à distance". Certes, le premier confinement a permis de développer des "bonnes pratiques". "Certains managers se sont formés mais c’est toujours à l’arrache car il n’y a pas de réelle organisation du télétravail dans la fonction publique." Et le peu de temps entre les deux confinements n’a pas été suffisant pour y remédier.  

Elle déplore également la difficulté d’instaurer "un management de la confiance". Selon l’élue, certains managers persistent à penser que l’agent est moins productif à la maison que dans les murs de son administration. Pour tenter de régler ces blocages, le ministère de la Fonction publique organise, chaque semaine, des réunions avec les syndicats mais aussi avec les secrétaires généraux des ministères. "On met la pression", confie un conseiller de la ministre Amélie de Montchalin.

Le gouvernement entend capitaliser sur ces deux confinements pour créer une dynamique au sein de la fonction publique. Une enveloppe de 200 millions d’euros est d’ailleurs prévue à cet effet dans le cadre du plan de relance. Début 2021, une négociation sur le télétravail – comme celle menée dans le privé – devrait s’entamer.