L'augmentation de la prostitution de mineurs inquiète les associations

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Entre 6.000 et 10.000 mineurs se prostitueraient en France. © BERTRAND LANGLOIS / AFP
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L'association Agir contre la prostitution des enfants tire la sonnette d'alarme et demande une meilleure formation des policiers. 

Selon une étude publiée l'année dernière, entre 6.000 et 10.000 mineurs se prostitueraient en France. Mardi, l'association Agir contre la prostitution des enfants (ACPE) titre la sonnette d'alarme sur "un phénomène qui s'amplifie". Elle a décidé de publier une vidéo dans laquelle des mères de mineurs prostitués racontent le calvaire de leurs enfants. 

"Ça n'existait pas en France pour moi". Pour mieux alerter l'opinion publique sur ce fléau, l'ACPE a donc choisi de diffuser des témoignages de mères de victimes. "Ma fille avait 16 ans quand j'ai découvert qu'elle était prostituée", raconte une mère face caméra. "Ça n'existait pas en France pour moi, ça existait ailleurs. Mais non, pas ici, ce n'était pas possible". Elle explique comment elle a commencé à se douter de la situation. "Ça a commencé au lycée. Elle rentrait très tard, elle me disait qu'elle allait chez des amis, dans des soirées".  

"Avant elle rentrait mais plus maintenant", abonde une deuxième maman interrogée. "Cela fait deux mois que je n'ai pas vu ma fille. Avant, elle me disait : il y a des gens derrière nous. Si on ne le fait pas ils vont nous tuer ou ils vont tuer ma famille". 

"Mais vous n'arrivez pas à la gérer, madame". Aussi, et surtout, les mères interrogées confient le peu de soutien dont elles ont bénéficié. "Dans mon quartier, tous les commissariats me connaissent. Ils me voyaient souvent. Jusqu'à ce qu'ils me proposent de prendre une carte fidélité", témoigne l'une d'elle. 

"A la Brigade des mineurs, ils me voyaient souvent", rembobine une autre maman. "Pour la plupart, il savait que ma fille était dans la prostitution et qu'elle était mineure. Quand je franchissais les portes du commissariat, on me disait : 'ça y est, elle est repartie. Mais vous n'arrivez pas à la gérer, madame". Pour essayer de sortir sa fille de cet enfer, elle a "frappé à toutes les portes". En vain.

" Je ne connais aucune petite fille qui fait ça volontairement "

"La première éducatrice m'avait carrément dit d'arrêter de regarder les Experts. Elle me disait que je rêvais, que ce n'était pas possible, qu'il fallait lâcher du lest. Et quand ma fille rentrait et que je lui faisais remarquer qu'il était tard, elle me disait : 'tu n'as pas entendu l'éducatrice'. L'éducatrice ne m'a pas cru jusqu'à ce que ma fille dise clairement : 'je suis prostituée'". Si elle parle aujourd'hui, c'est pour dénoncer "une sorte de tabou" autour de la prostitution des mineurs

"Au commissariat, l’agent regardait les SMS, il m’a dit ‘madame, votre fille se prostitue volontairement. Il n’y a rien ici qui m’indique qu’elle est forcée. Je ne peux rien faire. Mais non, elle n’y va pas volontairement. Je ne connais aucune petite fille qui fait ça volontairement. Elle doit être résignée, forcée et contrainte probablement", poursuit-elle.  

L'impuissance des parents. "J'ai souvent entendu, dans le cadre de mes audiences, des parents démunis, à qui l’on disait qu’ils faisaient trop de déclarations de fugue", témoigne de son côté Christina Rinaldis, juge des enfants. "Même au commissariat, ils se sentent impuissants. Ils ont l’impression de ne faire que noter l’existence de ces fugues. En même temps c’est le seul moyen de savoir que l’enfant est en vie et que l’on a des nouvelles. Selon le degré de description des fugues, il peut y avoir des éléments importants". Et cette dernière de dénoncer un manque de moyens dans la protection de l'enfance : 

"Les délais de mise en œuvre des procédures peuvent être de six mois à un an. Lorsqu'une enfant a 16 ou 17 ans, le temps que les choses se mettent en place, ça peut être complexe, car après l'enfant devient majeur et ne relève plus du juge des enfants. L’aide sociale à l’enfance a de moins en moins de moyens". 

"Un sujet marginalisé". "C'est un sujet marginalisé car on ne veut pas en entendre parler", déplore Maud Olivier, députée PS et rapporteure d'une proposition de loi contre le système prostitutionnel dans les colonnes du Figaro. "Malheureusement, le phénomène s'amplifie", regrette Armelle Le Bigot-Macaux, présidente de l'ACPE. Dans une étude qui dresse l'état des lieux de la violence et l'exploitation sexuelles des mineurs en France, l'ACPE dénonce notamment "des défaillances sur l'ensemble du processus judiciaire, depuis les mécanismes de signalement jusqu'à l'application des peines".