Chaque année, entre 3.000 et 5.000 femmes françaises partiraient avorter à l'étranger. 1:29
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Eve Roger, édité par Jonathan Grelier , modifié à
L'Assemblée nationale examine jeudi une proposition d'allongement de deux semaines du délai légal pour avorter, fixé pour le moment à 12 semaines de grossesse en France. "Ça fait longtemps qu'on est confrontés à des femmes qui ont besoin d'avorter hors délai", raconte la gynécologue et obstétricienne Ghada Hatem jeudi sur Europe 1. Mais des réserves subsistent chez d'autres professionnels. 

Chaque année, entre 3.000 et 5.000 femmes françaises partiraient avorter à l'étranger à cause d'un dépassement du délai légal de 12 semaines de grossesse pour pratiquer un avortement. C'est pour elles que l'Assemblée nationale doit se prononcer jeudi, 45 ans après la loi Veil, sur un allongement de 15 jours de ce délai légal. Celui-ci passerait donc à 14 semaines. Cette possibilité est attendue de longue date par un certain nombre de professionnels de santé, comme Ghada Hatem.

Dans son cabinet de Saint-Denis en région parisienne, cette patricienne reçoit régulièrement des femmes désemparées car elles sont hors délai pour avorter. "Ça fait longtemps qu'on est confrontés à des femmes qui, pour des raisons diverses, que ce soient des violences qui ont démarré pendant la grossesse, des difficultés avec les règles, des difficultés avec la famille ou du déni, ont besoin d'avorter hors délai", raconte la gynécologue et obstétricienne.

Le gouvernement fera valoir "une position de sagesse"

Pour le moment, la plupart de ces femmes sont contraintes de partir faire une IVG à l'étranger, comme en Espagne ou aux Pays-Bas, pour 1.000 euros environ. En commission, les députés LREM ont donc donné un premier feu vert à la proposition d'allongement et le patron du groupe Christophe Castaner votera pour, comme "un grand nombre de députés de la majorité". Mais le gouvernement joue la prudence. Dans l'hémicycle, il fera valoir une "position de sagesse", s'en remettant "à la décision des parlementaires", a déclaré le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal.

"Je vais être très clair, on n'aime pas beaucoup faire ça"

Car tous les professionnels de santé ne sont pas d'accord, ou a minima mitigés, quant à un allongement du délai. C'est notamment le cas Philippe Deruelle, secrétaire général du Collège national des gynécologues et obstétriciens : "Pour moi, qui fais des interruptions volontaires de grossesse, c'est des gestes qu'on aime pas beaucoup. C'est des gestes qui sont techniquement plus compliqués. L'embryon commence à être beaucoup plus grand et honnêtement, je vais être très clair, on n'aime pas beaucoup faire ça. C'est un peu plus stressant qu'une interruption de grossesse beaucoup plus tôt."

Cet organisme professionnel voudrait plutôt faciliter l'accès à l'IVG au début de la grossesse, en faisant en sorte que les femmes puissent par exemple décrocher systématiquement un rendez-vous à l'hôpital dans les cinq jours maximum après leur appel.

Le texte examiné à l'Assemblée nationale prévoit par ailleurs la possibilité pour les sages-femmes de pratiquer des IVG chirurgicales jusqu'à 10 semaines et la suppression de la clause de conscience spécifique à l'IVG pour les médecins. Aujourd'hui, on compte environ 230.000 avortements par an en France, un chiffre plutôt stable depuis 10 ans.