27 migrants sont morts dans la Manche, malgré leurs nombreux appels passés auprès des autorités pour venir les aider. (Illustration) 1:40
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Louis de Raguenel et William Molinié , modifié à
Selon les informations recueillies par Europe 1, une des opératrices du centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) de Gris-Nez, en charge des opérations de secours le jour de la mort des 27 migrants dans la Manche, a été dans le viseur des services de renseignement.

C’est un nouvel élément qui assombrit le profil d’une des opératrices du centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) de Gris-Nez. Des révélations ces derniers jours de nos confrères du Monde et du Canard Enchaîné accablent l’action des secours français ce 24 novembre 2021 quand 27 migrants, candidats à la traversée de la Manche vers les côtes britanniques, ont trouvé la mort. Au point que le secrétaire d’État à la mer, Hervé Berville, s’est dit ouvert à des sanctions si les faits étaient avérés.

Selon les informations recueillies par Europe 1, l’une des opératrices, second-maître dans la Marine nationale, 21 ans aujourd’hui, a été dans le viseur des services de renseignement pendant plusieurs années au titre de l’islam radical. Sa prise en compte par les services remonte à 2015, elle est alors toute jeune adolescente. Signalée auprès des services de la sécurité intérieure, elle fait à cette époque l’objet d’un suivi du service central du renseignement territorial (SCRT) du Nord pour sa proximité avec l’islamisme.

Enquêtes de la direction du renseignement

Pendant plusieurs mois, elle va faire l’objet d’un suivi de la part de ces policiers qui l’inscrivent au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Sa fiche sera clôturée en avril 2019, "la conversion de la mineure relevant aujourd’hui davantage de la fantaisie adolescente", selon les termes employés à l’époque justifiant la clôture de son dossier. Pour autant, son nom reste inscrit pendant 5 ans dans le fichier, comme le prévoit la loi pour tous les individus qui ont été radicalisés mais dont la situation ne nécessite plus de suivi.

C’est dans ces conditions qu’elle intègre la Marine nationale. Lors de son recrutement, la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) se penche évidemment sur son cas, au regard de son passé. Au terme de deux enquêtes, l’une à son arrivée à l’école, l’autre à la sortie, le service de renseignement interne aux armées émet un avis restrictif pour son habilitation au secret de la défense nationale au regard de son inscription, toujours effective même si sa fiche est clôturée, au FSPRT. En revanche, le service estime qu’aucun obstacle ne s’oppose à son recrutement.

Lors de sa formation, à l’école de Maistrance de février à juillet 2020 à Brest, elle se spécialise pour être guetteur sémaphorique. Elle est alors affectée en décembre 2020 au Cross Gris-Nez, relevant du ministère chargé de la mer, mais n’est plus gérée directement par les armées.

Devait-elle être recrutée ?

Techniquement, le suivi du renseignement a été correctement fait. Se pose toutefois la question du recrutement par la Marine nationale alors même que les services de renseignement internes avaient connaissance de son passé. Depuis qu’elle est chez nous, son comportement est excellent, sa hiérarchie constate qu’elle est volontaire. On peut estimer qu’elle a été remise sur les rails", assure une source militaire qui concède une "forme d’immaturité" dans sa personnalité.

A partir de 2018, la Marine nationale a dû accélérer ses volumes de recrutement pour faire face aux besoins opérationnels. Entre 2016 et 2022, elle est passée de 2.600 à 4.000 recrutements par an. Mais les conditions du métier et le faible effort indemnitaire n’ont pas permis de fidéliser les jeunes recrues. "Cela a induit une baisse de qualité des recrutements, ce qui est assez préoccupant", conclut une autre source militaire.