Héritage Hallyday : ce que change la décision du tribunal de Nanterre

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avec Salomé Legrand , modifié à
La décision rendue vendredi par le tribunal de grande instance de Nanterre marque la première étape d'une bataille judiciaire qui s'annonce longue.
ON DÉCRYPTE

L'annonce a fait l'effet d'une bombe, il y a deux mois presque jour pour jour. Par le biais d'un communiqué, Laura Smet, fille aînée de Johnny Hallyday, annonçait avoir demandé à ses avocats "de mener toutes les actions de droit" pour contester les dispositions testamentaires de son père. Un testament établi en Californie,  l'excluant tout comme son frère David - qui s'est rapidement joint à son action - au profit de leur belle-mère, Laeticia, et de leurs petites soeurs Jade et Joy. Depuis, la "bataille" entre les deux camps de la famille du chanteur, décédé début décembre, a fait la Une de toute la presse française. Une première décision juridique est venue l'alimenter, vendredi. Europe 1 décrypte ses conséquences pour la suite.

Pour le patrimoine du chanteur. "S'il en était ainsi, son père ne lui aurait rien laissé : ni bien matériel, ni prérogative sur son oeuvre artistique, ni souvenir - pas une guitare, pas une moto, et pas même la pochette signée de la chanson Laura qui lui est dédiée", soulignait l'avocat de Laura Smet il y a quelques semaines. Dans l'immédiat, la situation de l'héritière et son frère ne change pas : les aînés ne se voient attribuer aucune part du patrimoine de leur père. La décision rendue vendredi "protège" en fait le patrimoine de l'artiste, le temps d'une autre bataille judiciaire, qui pourrait, elle, prendre plusieurs années : celle qui permettra de savoir si c'est le droit français ou américain qui doit s'appliquer dans cette succession.

Vendredi, le tribunal de grande instance s'est en effet prononcé en référé, c'est à dire selon une procédure d'urgence. Elle a estimé que David Hallyday et Laura Smet justifiaient "du risque réel de transfert de tous les biens du défunt" ou de "liquidation des actifs successoraux". En d'autres termes, si Laeticia Hallyday décidait de vendre une partie des biens dont elle a hérité et que la justice donnait finalement raison aux aînés, faisant valoir la loi française qui interdit de déshériter ses enfants, ceux-ci ne récupéreraient qu'une part réduite de leur héritage.

Sur ce point, il est important de noter que seuls les biens français du couple, ses résidences de Marnes-la-Coquettes et Saint-Barthélémy, sont concernées par le gel : la justice considère que des mesures conservatoires visant les propriétés américaines des Hallyday pourraient avoir des "conséquences disproportionnées" sur le niveau de vie de la veuve du chanteur et ses deux filles, mineures.  

Pour ses droits d'auteur. L'ordonnance prononce également "le séquestre des redevances perçues par la Spedidam, la Sacem et l'Adami", c'est-à-dire de tous les droits d'auteur à venir sur l'oeuvre du chanteur. Ceux-ci ne pourront pour l'instant être perçus ni par Laeticia Hallyday, ni par Laura Smet ou son frère.

Mais en pratique, cette décision "ne change rien" selon Me Isabelle Wekstein, qui défend dans ce dossier la Spedidam, société de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes. Interrogée par Europe 1, l'avocate souligne que "le règlement général de ces sociétés prévoit de toute façon que ces sommes soient mises sous séquestre jusqu'à ce qu'un certificat d'hérédité soit fourni", ce qui n'est pas le cas tant que la succession est contestée.

Précision utile : le séquestre ne concerne pas les droits à venir sur le futur album de Johnny Hallyday après sa sortie. La décision de justice ne lui fait en effet pas explicitement référence. Les droits de ce disque reviendront donc à la veuve et ses deux filles, conformément au droit américain.  

Pour son album posthume. Si les enfants aînés de Johnny Hallyday peuvent sembler avoir remporté une "victoire" concernant le patrimoine de leur père, un autre volet de l'ordonnance rendue vendredi est clairement plus favorable au camp de leur belle-mère. Le tribunal de Nanterre refuse de leur donner un droit de regard sur le 51ème album studio du rockeur, sur lequel il avait travaillé une grande partie de l'année 2017 et qui est resté inachevé.

Les plus âgés des héritiers réclamaient ce droit en soulignant que la dizaine de chansons enregistrées n'étaient pas mixées au moment de la mort du chanteur et auraient pu être dénaturées à cette étape de la production. À ce sujet, l'ordonnance de renvoi souligne que le chanteur a choisi son réalisateur artistique et ses musiciens de son vivant et "manifestement validé" les enregistrements réalisés. Pour la justice, aucune mesure d'urgence ne se justifie donc dans ce cas et l'élaboration du disque posthume peut se poursuivre.