Grève contre la réforme des retraites : un employeur a-t-il le droit de refuser le télétravail à son salarié ?

Il n'existe pas de "droit au télétravail" en France mais les entreprises font généralement preuve de souplesse en période de grève.
Il n'existe pas de "droit au télétravail" en France mais les entreprises font généralement preuve de souplesse en période de grève. © Mathieu Thomasset / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
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Romain Rouillard
Alors que le mouvement social contre la réforme des retraites bat son plein partout en France, de nombreux salariés ont recours au télétravail pour éviter les perturbations dans les transports en commun. Si la pratique est largement admise dans les entreprises, rien ne contraint l'employeur à l'adopter.

La parade semble toute trouvée. Alors que des perturbations sont à nouveau attendues ce mercredi dans les transports en commun en raison d'un mouvement de grève reconductible contre la réforme des retraites, le télétravail apparaît comme la solution idoine pour tous les salariés dont la fonction le permet. Pour autant, un employeur peut-il contraindre ses équipes à oublier le travail à distance, y compris en période de grève ? Europe 1 fait le point. 

Sur le plan juridique, c'est tout à fait possible. "Le télétravail est une possibilité ouverte par l’entreprise soit à travers un accord collectif, soit par une charte de télétravail, soit par un accord de gré à gré entre les deux parties. Mais il n'y a pas de droit au télétravail en tant que tel en France", éclaire Maître Loïc Touranchet, avocat spécialisé en droit du travail. 

Concrètement, si aucun dispositif de télétravail n'est mis en place au sein de votre entreprise, votre employeur pourra effectivement vous imposer de venir travailler sur site. Et ce y compris si vous ne disposez pas de solutions alternatives aux transports en commun. "Un salarié qui dirait 'je me mets en télétravail' alors que rien ne le prévoit au sein de son entreprise ne peut pas l'imposer à l'employeur. Et il s'expose à des sanctions", souligne Loïc Touranchet. 

"La majorité des entreprises est plus flexible en période de grève"

Néanmoins, en pratique, une certaine souplesse existe lorsque les transports en commun sont rendus inopérants par la grève. "La majorité des entreprises est plus flexible en période de grève", confirme l'avocat qui poursuit : "Il y a assez peu de refus et très peu de conflit sur ce type de demande. Le niveau de compréhension est assez élevé". Par ailleurs, si un dispositif régissant ce mode d'organisation existe au sein de l'entreprise, l'employeur peut également être tenu de fournir au salarié le matériel adéquat pour travailler depuis chez lui, indique le site service-public.fr. Il lui faut également "motiver sa décision" dans le cas où il maintiendrait son refus alors qu'une charte ou un accord collectif a bien été adopté. 

Il faut dire que le télétravail est largement entré dans les mœurs depuis 2020 et la crise du Covid-19. En novembre 2022, une étude de la Dares rapportait que le nombre d'accords d'entreprise sur le télétravail avait été multiplié par dix entre 2017 et 2021. Et avant même la pandémie, les "ordonnances Macron" de 2017 prévoyaient de "favoriser le recours au télétravail" lorsque cela était possible.