Gisette, devenue mère à 16 ans après un déni de grossesse : "On n'a pas le choix, on assume"

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Romain David , modifié à
Contrainte d'élever seule un bébé alors qu'elle était encore adolescente, Gisette raconte à Olivier Delacroix, sur Europe 1, sa découverte de la maternité.
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Gisette, 29 ans, habite à Bruxelles. À 16 ans elle a fait un déni de grossesse et n'a pu, malgré son souhait, avorter puisqu'elle était déjà enceinte de huit mois. Au micro d'Olivier Delacroix, sur Europe 1, elle revient sur cet épisode douloureux de son existence et la relation particulière tissée avec sa fille Rachel.

"Ça a été un coup de massue. On n'a pas le choix, on assume. J'étais très entourée […], mais l'instinct maternel n'est pas arrivé tout de suite, je l'ai eu plus tard. […] Il a fallu cinq à six semaines, le temps aussi que je me fasse à l'idée. Finalement, je n'ai été enceinte - et n'ai eu le temps de me préparer à être maman -, que pendant un mois [à cause du déni de grossesse, ndlr].

[…]

Je suis l’aînée de deux petites sœurs. C'était plutôt moi la maman quand mes parents n'étaient pas là. En fait, j'ai continué mon rôle de maman avec une personne en plus. Ma fille est née en octobre. Je suis retournée au lycée au second trimestre, en janvier.

[…]

Ce qui a été le plus dur, ce sont les cours, le lycée et ensuite la fac.

[…]

Je n'ai pas l'impression d'avoir raté quelque chose, d'être passée à côté de mon adolescence ou de ma jeunesse.

 

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Les premières années, le père de Rachel, lui aussi âgé de 16 ans, n'a pas assumé cette soudaine paternité. Il s'est détourné de Gisette avant de reprendre contact après quelques années.

Sur le coup, je lui en ai voulu parce que j'étais jeune, et que l'on n'a pas forcément la maturité pour penser plus loin que le bout de son nez. Maintenant, je ne lui en veux plus du tout.

[…]

Ça a été un choc pour lui comme pour moi. Mais j'étais la mère, c'est moi qui avait Rachel. Je n'avais pas le choix. Lui avait le choix de partir, ce que je comprends.

Je suis contente qu'ils puissent créer un lien tous les deux. Rachel était assez petite, trois ou quatre ans, quand elle a revu son père. On a continué à le revoir ponctuellement. Elle l'a toujours connu. Elle sait qui il est, elle sait qu'il avait du mal à gérer tout ça, qu'il est parti mais qu'il revient. Elle sait tout et elle le vit très bien. À côté de ça, j'ai eu un compagnon pendant presque 12 ans, qui a élevé ma fille comme sa propre fille. Elle n'a jamais manqué de figure paternelle.

Du côté des parents de Gisette, son père a accueilli avec bonheur cette grossesse précoce, mais sa mère a eu plus de mal à se faire à cette idée.

Mes parents sont gaga de Rachel. C'est leur première petite-fille. Mon père était fou de joie quand il a appris que j'étais enceinte, ma mère un peu moins. Elle ne voulait pas que j'ai des enfants, quand elle a appris que j'étais enceinte, en plus à 16 ans, c'était 'no way'. Mon père, au contraire, a toujours voulu plein de petits-enfants. C'est un papy gaga.

Maintenant, ma mère a accepté la situation. Elle est devenue grand-mère plusieurs fois, elle est très contente.

Les conditions particulières de cette maternité ont conduit Gisette et Rachel à tisser une relation qui, par moment, abolit la distance mère-fille.

Notre relation est particulière, pas vis-à-vis de l'âge mais à cause de l'éducation que je lui ai donnée. Pendant toutes mes années d'études, Rachel m'a suivi partout, même aux soirées – sauf les grosses –, chez des copains, pour de petits dîners ou des anniversaires. Elle a toujours été avec moi. […]. On a une facilité à parler toutes les deux. Ce que je n'avais pas, moi, avec ma mère et mon père, je l'ai avec Rachel.

[…]

Elle a aussi une facilité à parler avec les adultes et les gens en général. Son intelligence sociale est un peu plus élevée que celle des autres enfants. Quand je la vois avec ses amis, ses copains, ses copines, je me rends compte qu'elle a un petit plus.

[…]

Parfois on a un peu une attitude de copine-copine, mais je remets les choses à leur place quand elle dépasse les limites. Ça arrive très rarement. […] Hop ! On recadre un peu, et on remet la barrière mère/fille."

Les grossesses précoces, un enjeu de santé publique

Si les deux-tiers des grossesses non souhaitées avant 19 ans sont interrompues en France, chaque année 4.500 jeunes filles n'ayant pas encore atteint la majorité deviennent mères. Un chiffre qui représente 0,5% des naissances dans le pays. "On pourrait croire que l'information est accessible, de plus en plus accessible, mais malheureusement on se rend compte en consultation que les questions, au fil des années, sont toujours les mêmes. C'est souvent lié à un mésusage de la contraception ou à un arrêt de pilule", indique Nicolas Dutriaux, secrétaire du Collège national des sages-femmes de France.

50 à 75 % des jeunes filles qui vont au terme de leur grossesse arrêtent leur scolarité au moment où elles tombent enceinte. Beaucoup doivent également faire face à des situations sociales complexes. "Dans les profils de ces mères, on retrouve beaucoup de ruptures de scolarité et de difficultés sociales, avec l'impression que les études ou le marché du travail ne leur offrira pas de place dans la société. Finalement, devenir mère c'est trouver sa place pour un certain nombre d'entre elles", pointe Nicolas Dutriaux.

Si ces grossesses sont rarement à risques, elles nécessitent toutefois un encadrement psychologique particulier. "Il n'y a pas de recommandations spécifiques. Le suivi de la grossesse est le même qu'à un âge plus avancé. Les risques médicaux sont identiques, voire moindre du fait de la jeunesse. Ce sont vraiment les troubles psycho-sociaux et l'environnement familial parfois compliqué qui peuvent être sources de rupture dans les soins".