Fusillade à Strasbourg : "On n'a pas affaire au terroriste habituel", estime Marc Trévidic

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Invité d'Europe 1 au lendemain de la fusillade qui a fait trois morts et treize blessés en Alsace, l'ancien juge antiterroriste a estimé que l'auteur des faits était "manifestement aux abois", évoquant un attentat "non organisé". 
INTERVIEW

"C'est très atypique", estime Marc Trévidic au lendemain de l'attaque qui a fait trois morts et treize blessés à Strasbourg. Invité d'Europe 1, l'ancien juge antiterroriste a évoqué une fusillade liée à une opération de police menée mardi dans la ville de l'Est, jugeant que le suspect avait agi dans la panique. 

Du terrorisme "pulsionnel". "Ce n'est pas un attentat organisé, avec des gens qui auraient voulu faire quelque chose sur le marché de Noël, sinon ils l'auraient fait pendant que c'était ouvert", explique Marc Trévidic. "C'est quelqu'un qui était aux abois manifestement, par rapport à ce qui s'était passé le matin, qui savait qu'il était recherché. Il n'est pas resté sur place pour mourir non plus, on n'a pas affaire au terroriste habituel." L'ancien magistrat antiterroriste souligne aussi que l'assaillant vivait à Strasbourg. "C'est sans doute parce qu'il se sentait acculé. Quand on est sur du terrorisme pulsionnel, ce sont souvent des locaux." 

Cette "pulsion" pourrait-elle inciter d'autres individus isolés à passer à l'action ? Oui, selon Marc Trévidic. "C'est un vrai danger. Vous avez beaucoup de gens dans cette population radicalisée qui sont très instables, qui peuvent passer à l'acte pour rien, parce que tout à coup, il y a le goût du sang", souligne le spécialiste. "C'est pour cela qu'il y a une loi des séries en la matière." 

Après l’attaque, le "plan urgence attentat" a été déclenché. Qu’est-ce que cela signifie ?

"Une mémoire salafiste, djihadiste". Si l'action s'est organisée dans l'urgence, elle ne visait pas un lieu anodin, estime l'ancien juge antiterroriste, qui rappelle que le marché de Noël de Strasbourg a déjà été évoqué comme cible potentielle à plusieurs reprises, et qu'un attentat le visant a même été déjoué en 2000. "Il y a une mémoire salafiste, djihadiste. Il faut toujours faire attention avec les sites qui ont été envisagés. Le World Trade Center est frappé en 1993, ça ne marche pas, on le refait en 2001. Le Bataclan apparaît dans les radars en 2009 avec un projet, et finalement ça se fait en 2015."

Au-delà du "risque de mimétisme à court terme", le magistrat prévient qu'un "risque d'attentat plus organisé" n'a "pas disparu", s'inquiétant notamment de la sortie de prison de 450 détenus radicalisés dans les prochaines années. "Je ne suis pas sûr que nos services de renseignement aient la capacité de traiter autant de sorties à la fois. Avant, nos sorties étaient étalées, mais on en a mis tellement en prison d'un coup,qui vont finir leurs peines à peu près en même temps, que c'est vraiment un flot qui va sortir à quelques mois d'intervalle", estime Marc Trévidic. "C'est une question de capacité de les traiter, de les suivre, de voir s'ils se rangent ou s'ils préparent quelque chose. Ça demande beaucoup de monde. Je pense qu'on n'a pas vraiment les moyens, il faut se les donner."