Fin de l'interdiction de la publicité pour les médecins : quels changements concrets ?

La communication des médecins est pour l'instant strictement encadrée par la loi (photo d'illustration).
La communication des médecins est pour l'instant strictement encadrée par la loi (photo d'illustration). © JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
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Dans une étude publiée jeudi, le Conseil d'État préconise un "enrichissement de l'information délivrée au public par les professionnels de santé", mais selon un cadre très strict.

 

"Moderniser et harmoniser" les codes de déontologie des professions médicales en termes de publicité. Telle est l'une des mesures suggérées par un rapport du Conseil d'État, publié jeudi. En France, l'idée fait figure de petite révolution : comme le dispose l'article R. 4127-13 du Code de la santé publique, la "pub" est aujourd'hui interdite aux médecins.

Des "charlatans" sur internet. Le texte encadre même toute "communication" de ces professions, prévoyant par exemple les éléments autorisés sur les plaques disposées à l'extérieur des cabinets : nom, prénom, numéro de téléphone, horaires de consultation, diplômes et situation vis-à-vis des organismes d'assurance maladie. Y verra-t-on aussi bientôt certaines spécialités ou pratiques propres à un médecin, par exemple ? C'est ce que préconise notamment le document, commandé par le Premier ministre Édouard Philippe en décembre.

"En l'état actuel du droit (...), les seules informations que les praticiens sont autorisés à délivrer au public sont celles qui présentent un caractère objectif ou obéissent à une finalité scientifique, préventive ou pédagogique", souligne d'abord le Conseil d'État. Lors de son installation, un médecin est par exemple autorisé à faire paraître dans la presse "une annonce sans caractère publicitaire, dont le texte et les modalités de publication doivent être préalablement communiqués au conseil départemental de l'ordre". Mais les usages des patients évoluent, note encore l'institution : beaucoup recherchent désormais des "avis" sur les médecins sur internet, où les profils de "charlatans" peuvent être mis en avant. Pour y remédier, le Conseil d'État préconise un "enrichissement de l'information délivrée au public par les professionnels de santé", en s'appuyant notamment sur un rapport remis au Conseil national des médecins par le docteur Jacques Lucas en 2016.

Biographie professionnelle. Mais l'assouplissement de la loi ne serait pas synonyme de porte ouverte à toutes les formes de publicité, loin de là. Le Conseil d'État envisage de permettre aux métiers de santé dotés d'un ordre professionnels, donc d'une autorité disciplinaire - les médecins, mais aussi les sages-femmes ou les chirurgiens dentistes, entre autres - de communiquer trois catégories d'informations : leurs compétences et pratiques professionnelles, comme le recours à une formation ou la participation à un réseau de santé publique, leur biographie professionnelle, comprenant par exemple leur âge ou les langues qu'ils parlent, et enfin des informations pratiques relatif à leur exercice, comme les horaires de leur cabinet ou les équipements dont il dispose.

Concrètement, un médecin généraliste pourrait indiquer sur sa devanture qu'il est en mesure de pratiquer une échographie, ou une sage-femme qu'elle est spécialiste de la rééducation périnéale. Autre mesure proposée : l'information dite "économique" (honoraires, mode de paiement, reste à charge), serait "obligatoire" au moment de la prise de rendez-vous, qu'elle se fasse sur internet, par téléphone ou via un secrétariat.

Une page sur un réseau social. À l'inverse, après audition de nombreux professionnels de la santé, le Conseil d'État a établi une liste des éléments qui resteraient exclus de toute forme de communication. On y trouve notamment les "compétences non certifiées et autoproclamées", sans diplôme, ou les pratiques "non validées scientifiquement" comme la réflexologie plantaire pour les podologues.

L'institution préconise aussi l'interdiction de la publicité portant sur le nombre d'actes réalisés pendant une période donnée, "compte tenu de la difficulté d'interprétation de ce type de donnée", ou incluant des comparaisons tarifaires sur les dispositifs médicaux. Elle exclut en outre toute système de notation ou d'évaluation des prestations par les patients, ainsi que toute comparaison tarifaire affichée.

"Relations de bonne confraternité". Strictement encadrée, quelle forme pourrait prendre cette nouvelle publicité ? Pour les pharmaciens, le Conseil d'État évoque la possibilité d'un site internet, prévue par une décision de la Cour de justice de l'Union européenne. Pour les autres professionnels de la santé, elle pourrait passer par "tout support non commercial" : des annonces non-payantes dans un annuaire "papier ou numérique", une plateforme numérique déclarée à l'ordre et conforme à ses recommandations, ou encore une page sur un réseau social. "Cette liberté de communication ne dispenserait pas, en particulier, de l'obligation figurant dans tous les codes de déontologie des professionnels de santé, d'entretenir des relations de bonne confraternité", précise le rapport, excluant toute pratique "déloyale" entre médecins.

Enfin, le Conseil d'État recommande au gouvernement de proposer une concertation au niveau européen en vue d'une meilleure coordination des législations nationales sur la communication, les professionnels de santé étant de plus en plus souvent confrontés à la concurrence de leurs homologues, pour lesquels la publicité peut être moins strictement encadrée, notamment dans les zones frontalières.