Évacuation des "gilets jaunes" : où en est-on ?

Plus de 170 points de blocage, principalement des ronds-points et des péages, ont été débloqués depuis le 15 décembre.
Plus de 170 points de blocage, principalement des ronds-points et des péages, ont été débloqués depuis le 15 décembre. © Thierry Zoccolan / AFP
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avec AFP
Alors que plus de 170 points de blocage ont été évacués depuis le 15 décembre, une partie des manifestants délogés réfléchit à d'autres manières de poursuivre la contestation.

"Il faut que ça s'arrête", a posé Christophe Castaner, jeudi. Pointant la "responsabilité" des "gilets jaunes" poursuivant leur mobilisation malgré les annonces du gouvernement et les accidents survenus en marge des barrages, le ministre de l'Intérieur s'exprimait après l'annonce d'un neuvième décès, celui d'un manifestant renversé par un poids-lourd près d'Agen. Mais aussi à quelques jours du réveillon de Noël, impacté par un mouvement qui dure depuis le 17 novembre. "Il y a la volonté, au fond de nuire aux institutions, de bloquer le système, de bloquer les centres commerciaux, de bloquer les Français qui veulent aller faire leurs courses", estime-t-il. Sur le terrain, la réalité est contrastée entre évacuations, ré-organisation et préparation d'un "acte VI" axé sur les frontières.

Des manifestants dansant face aux forces de l'ordre. Du côté des démantèlements, un premier bilan a été esquissé par le secrétaire d'Etat Laurent Nuñez, mercredi : 170 points de blocage avaient été évacués depuis le 15 décembre et 4.000 manifestants étaient comptabilisés sur le territoire, contre 10.000 une semaine plus tôt. Dans la majorité des cas, les évacuations se sont passées dans le calme, les "gilets jaunes" ayant reçu pour consigne de "ne pas résister". En Gironde, les trois quarts des ronds-points occupés avaient été démantelés ou désinstallés, mercredi soir. A l'Ouest, le préfet du Morbihan avait interdit par arrêté les "rassemblements de personnes, les installations d'abris et le dépôt de matériaux" sur neuf ronds-points du département, dont celui de Lanester, occupé depuis le début du mouvement. La vidéo de manifestant dansant sur une chanson d'Edith Piaf face aux forces de l'ordre lors de l'évacuation d'un rond-point  Margencel, en Haute-Savoie, a fait le tour des réseaux sociaux.

Les opérations se sont poursuivies jeudi, notamment à la sortie de l'autoroute A4 à hauteur de Phalsbourg, rapporte Le Républicain Lorrain, indiquant que quatre personnes ont été interpellées par les forces de l'ordre. Depuis le début des évacuations, quelques heurts et sinistres minoritaires sont à signaler notamment à Bandol, dans le Var, où une barrière de péage a été incendiée. Si les autorités n'avaient pas fait de point officiel sur le nombre de points de blocage demeurant jeudi, à quatre jours du réveillon, l'état du trafic alimenté en direct par Vinci Autoroutes semblait indiquer une tendance à la baisse, avec une dizaine de lieux concernés, contre 40 mercredi. L'Autoroute A7, au niveau des échangeurs de Bollène et d'Orange Sud est notamment toujours perturbée.

Des "réinstallations" et des demandes de locaux municipaux. Face à ces démantèlements, les ambitions des "gilets jaunes" varient. En certains points de blocage, comme à Montceau-les-Mines, en Saône-et-Loire, les manifestants sont déjà revenus sur les sites démantelés depuis le 15 décembre, ou en des lieux avoisinants. Dans le Var voisin, une quarantaine de "gilets jaunes" se sont réinstallés dès mercredi au rond-point du péage du Muy après avoir été délogés trois fois par les gendarmes. A Scionzier, en Haute-Savoie, les manifestants rencontrés par Europe 1 ont trouvé la parade : établir leurs campements sur un terrain privé, en face du rond-point, toujours au vu des automobilistes. "Le propriétaire nous a laissés nous installer gentiment, on est en règle. Les gendarmes ne peuvent rien faire contre nous", a témoigné auprès de l'un de nos journalistes Marion, une jeune participante au mouvement.

"Il y a une forme de convivialité depuis le départ, les gens ont appris à se connaître, il y a des amitiés qui se lient", analysait mercredi Priscilla Ludosky, l'une des visages des "gilets jaunes", interrogée par Mediapart. "Il y a beaucoup de personnes qui parlent de rester là jusqu'au jour de l'an. Les ronds-points et les péages restent les lieux symboliques du mouvement." En plusieurs villes de l'Ouest de la France, certains manifestants semblent eux prêts à abandonner ces "symboles" et ont sollicité les mairies pour demander des locaux municipaux où continuer de se rassembler pour organiser des "assemblées citoyennes", selon France 3. Face à cette demande, le maire de Redon, Pascal Duchêne, a appelé les "gilets jaunes" à s'organiser dans Ouest-France : "Je ne peux rien attribuer sans raison valable ou statut juridique qui pourrait ressembler à une association. Cela permettrait d'aller dans le sens du droit et de faciliter le dialogue."

 

Quid de "l'acte VI" de la mobilisation ?

Ralentie en cette fin de semaine, la mobilisation trouvera-t-elle un nouveau sursaut samedi, journée de la semaine la plus fédératrice du mouvement depuis sa naissance, mi-novembre ? Au sein des groupes de "gilets jaunes" sur les réseaux sociaux, des appels aux blocages dans les zones frontalières circulent afin de fédérer le mouvement avec d'autres pays européens. Du côté de l'Ile-de-France, le domaine et le château de Versailles seront fermés "de manière préventive" en raison d'un projet de manifestation dans la ville, a indiqué jeudi la préfecture des Yvelines.