Enfant syrien noyé : comment en parler aux enfants ?

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Thomas Sotto avec V.D.M , modifié à
TROUVER LES BONS MOTS - Après l'électrochoc de la photo du jeune Syrien mort noyé, faut-il en parler aux plus jeunes ? Et comment le faire ? Réponse avec un psychologue. 

La photo a fait le tour du monde depuis mercredi soir. Aylan Kurdi, jeune Syrien de 3 ans, gisant sur une plage de la station balnéaire huppée de Bodrum (sud-ouest). Face contre le sable, comme paisiblement endormi. Tous les publics ont été confrontés à cette horreur, même les plus jeunes. Comment aborder un tel sujet avec les enfants ? Doit-on leur en parler ? Que leur dire ?  Béatrice Copper-Royer, psychologue spécialiste de l’enfant et cofondatrice de l’association e-enfance, a accepté de répondre à Europe 1.

Doit-on montrer cette photo à nos enfants ?

"Il faut impérativement protéger les plus petits. On ne peut pas leur balancer à la figure toutes les horreurs du monde comme ça. Ce cliché est toxique pour eux parce qu'elle renvoie à cette angoisse d'abandon qui est très facilement réactivable chez eux. Ça ébranle leur sécurité intérieure".

Une petite fille de 4 ans demande : "c'est quoi un migrant et pourquoi l'enfant fait dodo sur la plage ?" Que lui dire ?

Il faut lui dire qu'un migrant est quelqu'un qui est obligé de fuir son pays parce qu'il y a la guerre. Ça, on peut lui expliquer assez facilement. Ensuite, il faut aussi lui dire qu'il ne fait pas dodo. Ça ne sert à rien de leur faire croire à des mensonges.

Et pour les enfants un peu plus grands, ceux qui ont 9-10 ans ?

Ces enfants-là peuvent être informés, c'est sûr. Il faut toujours que cette information soit soutenue par un dialogue avec des adultes. Une information qu'on leur livre sans pouvoir répondre à leurs questions, sans pouvoir éponger leurs émotions, sans pouvoir les rassurer, c'est trop dur. A 9-10 ans, ils ont encore besoin d'être rassurés par des adultes en qui ils ont confiance.

Les enfants sont-ils plus exposés qu'avant à l'horreur ?

Dans une société où les messages sont véhiculés par les images, il est vrai que les enfants sont plus exposés qu'avant. Avec cette communication tous azimuts, les adultes doivent avoir conscience que les enfants en prennent plein la figure. Ils ont déjà affaire à leur propre histoire, pas toujours très simple. Ils sont également plus en prise avec les adultes, peut-être beaucoup plus qu'autrefois. Il faut quand même se dire que ce ne sont pas éponges qui peuvent tout absorber à l'infini.