Nouvelle-Calédonie : des militaires vont être déployés pour «protéger les bâtiments publics»

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avec AFP // Crédits photo : Delphine Mayeur / AFP , modifié à
Depuis une semaine, la Nouvelle-Calédonie est en proie à des émeutes. Concernant l'aéroport, les vols commerciaux sont interrompus jusqu'à jeudi 9H00 malgré les demandes de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, qui réclament d'évacuer leurs ressortissants. De son côté, Gabriel Attal affirme qu'il "reste encore du chemin avant le retour à la normale".
L'ESSENTIEL

La Nouvelle-Calédonie était en proie aux blocages des routes, malgré les moyens engagés par l'État pour rétablir la circulation, avant un nouveau Conseil de défense convoqué à 18h30 à Paris par le président Emmanuel Macron. Aucune issue à la crise sécuritaire et politique ne se dessinait dans l'archipel lundi, jour férié, après une semaine d'émeutes en réaction à une réforme du corps électoral décriée par les indépendantistes. L'aéroport international de Nouméa demeurera fermé aux vols commerciaux jusqu'à jeudi 9H00 (00h00 à Paris), a indiqué lundi à l'AFP Charles Roger, directeur de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Nouvelle-Calédonie, gestionnaire de le plateforme.

Malgré les demandes notamment de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, qui réclament de pouvoir évacuer leurs ressortissants, l'aéroport est fermé aux vols commerciaux depuis mardi dernier. Le territoire français du Pacifique sud est frappé depuis une semaine par des violences d'une ampleur inédite depuis 40 ans, en réaction à une réforme du corps électoral décriée par les indépendantistes.

Les informations à retenir : 

  • L'aéroport de Nouméa fermé aux vols commerciaux jusqu'à jeudi
  • La CCI appelle à "préserver le peu qu'il reste" de l'économie
  • L'Etat a annoncé un nouveau Conseil de défense, convoqué ce lundi à 18h30 à Paris
  • Gabriel Attal estime qu'il "reste encore du chemin avant le retour à la normal" dans l'archipel

Des militaires vont être déployés pour "protéger les bâtiments publics"

Emmanuel Macron a évoqué lundi soir "de nets progrès dans le rétablissement de l'ordre" en Nouvelle-Calédonie, où la mobilisation de militaires pour protéger les bâtiments publics a été décidée lors d'un Conseil de défense à l'Elysée consacré à la situation de ce territoire toujours en proie aux blocages.

Une semaine après le début de ces émeutes en réaction à une réforme constitutionnelle décriée par les indépendantistes, l'exécutif a décidé de mobiliser "pour un temps" des militaires afin de "protéger les bâtiments publics" et soulager policiers et gendarmes, a indiqué l'Elysée.

"On a réussi à récupérer la route territoriale 1 qui va de Nouméa à l'aéroport", affirme Marie Guevenoux

"Il y avait 1700 forces de sécurité intérieure déployées en Nouvelle-Calédonie. Depuis les derniers jours, il y a 1000 renforts qui sont arrivés en Nouvelle-Calédonie. La situation, elle, permet d'agir mieux. On a réussi à récupérer la route territoriale 1 qui va de Nouméa à l'aéroport, ce qui est un poste essentiel et a levé des barrages", a déclaré Marie Guevenoux, ministre déléguée chargée des Outre-mer, sur Punchline 

"Les forces de l'ordre ont levé 76 barrages. Vous avez ensuite des carcasses, un certain nombre de mobiliers urbains qui est placé là par les émeutiers et qu'il faut déblayer par des engins qui le permettent. Et donc, c'est actuellement ce qui est en train d'être fait avec l'envoi de renforts de forces de sécurité civile qui vont permettre justement de déblayer ces routes. Si on n'arrive pas à déblayer ces routes, le risque, c'est effectivement que les barrages se reconstituent et c'est pour ça que nos forces sont extrêmement engagées pour éviter cela", a-t-elle ajouté. 

Emmanuel Macron constate "de nets progrès dans le rétablissement de l'ordre

Emmanuel Macron a constaté lundi "de nets progrès dans le rétablissement de l'ordre" en Nouvelle-Calédonie, lors d'un Conseil de défense où il a été décidé de mobiliser "pour un temps" des personnels militaires pour "protéger les bâtiments publics" et soulager ainsi les forces de sécurité intérieure, a indiqué l'Elysée. Le président de la République "a demandé au gouvernement de continuer à faire preuve de concentration, de vigilance et d'engagement" sur le dossier, a ajouté la présidence alors que le territoire est toujours en proie aux blocages. 

Le Conseil de défense a également acté que "toutes les dispositions sont prises pour permettre aux touristes encore présents sur l'archipel de pouvoir rentrer chez eux", alors que la fermeture de l'aéroport a été prolongée jusqu'à jeudi et que l'Australie et la Nouvelle-Zélande multiplient les demandes pour pouvoir évacuer leurs ressortissants.

Des militaires déployés pour "protéger les bâtiments publics"

L'Elysée vient d'annoncer que des militaires allaient être déployés pour "protéger les bâtiments publics".

"Il reste encore du chemin avant le retour à la normale", estime Gabriel Attal

Le Premier ministre Gabriel Attal a estimé lundi qu'"il reste encore du chemin avant le retour à la normale" en Nouvelle-Calédonie après avoir présidé une nouvelle cellule interministérielle de crise, préalable à un conseil de défense prévu dans la soirée à l'Elysée.

"Les forces de sécurité intérieure continuent d'arriver en nombre sur place grâce au pont aérien que nous avons mis en place. Nous progressons. Pas moins de 76 barrages ont été détruits sur la route reliant Nouméa à son aéroport", a-t-il précisé dans un message posté sur X, en réaffirmant la détermination de son gouvernement à "rétablir l'ordre".

"150 entreprises ont été pillées et incendiées"

La Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie a appelé lundi à "préserver le peu qu'il reste" de l'économie de cet archipel, où une semaine d'émeutes a provoqué des dégâts parfois irrémédiables pour les entreprises. "Les conséquences économiques et sociales de ces émeutes sont déjà catastrophiques, il faut absolument préserver le peu qu'il reste de notre économie", a indiqué dans un communiqué la CCI. Celle-ci avait estimé jeudi les dégâts à 200 millions d'euros déjà. Elle n'a pas fourni de nouvelles estimations quatre jours plus tard, mais les dommages n'ont fait que s'aggraver.

"Alors qu'à ce jour plus de 150 entreprises ont été pillées et incendiées, laissant plus de 1.000 employés sans travail, la zone industrielle de Ducos, véritable poumon économique de la Nouvelle-Calédonie, est abandonnée à son sort", a déploré cet organisme qui défend les intérêts des entreprises.

"Il est impératif de sécuriser immédiatement cette zone afin de sauver les entreprises encore debout", a-t-il ajouté. La CCI a dit redouter, "dans un avenir proche, une augmentation de notre dépendance encore plus forte aux importations". L'économie de la Nouvelle-Calédonie, territoire français depuis 1853, est fortement dépendante des exportations de nickel, dont l'archipel détient 20 à 30% des ressources mondiales, et des subsides de l'Etat central.

Des voies de communication bloquées

Le chef de l'Etat avait présidé un premier Conseil de défense mercredi consacré à ce territoire du Pacifique sud, conclu par l'instauration de l'état d'urgence. Un deuxième jeudi avait préparé l'envoi massif de renforts de police et de gendarmerie.

Malgré leur arrivée, les voies de communication restent bloquées là où les émeutiers ont installé leurs barrages, notamment dans l'agglomération de Nouméa et sur la route d'une cinquantaine de kilomètres qui mène à l'aéroport international.

Permettre la circulation sur la voie express puis la route qui mène vers cet aéroport est le premier objectif des autorités françaises. Il presse d'autant plus que l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont demandé durant le week-end à pouvoir poser des avions afin de rapatrier leurs concitoyens.

Opérations de déblayage en cours sur la route qui mène à l'aéroport

Des actions de déblayage sont en cours sur la route qui mène Nouméa à l'aéroport. Beaucoup de barrages ont été dressés par les émeutiers sur cette route. L'objectif est d'enlever les carcasses de voitures brûlées ou encore les barricades. Pour cela, les véhicules de la gendarmerie sont en première ligne. Les véhicules sont en capacité de déplacer tous les obstacles. Autour de ces véhicules, on retrouve des centaines de gendarmes du GIGN. Ils sont épaulés par le Raid et la CRS8. Ces derniers ont pour mission de sécuriser la route et ces environs face aux émeutiers. Même si la situation reste tendue, la stratégie des forces de l'ordre semble porter ses fruits avec un retour au calme progressif. 76 barrages ont déjà été détruits.

L'Australie s'inquiète

"La situation est vraiment préoccupante", a déclaré lundi le chef du gouvernement australien Anthony Albanese à la télévision ABC. Cet objectif de la France semblait loin d'être atteint lundi. A la sortie de Nouméa, la chaussée du début de la voie express est impraticable, le bitume ayant fondu après l'incendie de nombreux véhicules, a constaté une journaliste de l'AFP. Ailleurs, la route reste encombrée à de nombreux endroits de carcasses de voitures brûlées, ferraille et bois entassés.

Le représentant de l'Etat central en Nouvelle-Calédonie s'est pourtant félicité lundi du "succès" du début d'une vaste opération de la gendarmerie contre les barrages sur cette route, lancée à l'aube dimanche. "Cette opération est un succès avec 76 barrages neutralisés grâce à la mobilisation des forces de sécurité intérieure, des entreprises privées et aux moyens matériels déployés sur le terrain", a expliqué dans un communiqué le haut-commissaire de la République, Louis Le Franc. "Ces moyens seront maintenus dans les prochains jours, pour assurer le retrait des carcasses de véhicules sur les voies (...) dans les deux sens de circulation".

D'autres actions des unités d'élite de la police et de la gendarmerie ont été annoncées dans des zones considérées par les autorités comme des "points durs", dans les villes de Nouméa, Dumbéa et Païta notamment. Dans la nuit de dimanche à lundi, des bruits de grenades de désencerclement, utilisées par les forces de l'ordre pour disperser les émeutiers, ainsi que des cris évoquant des affrontements ont été entendus dans le quartier d'Auteuil à Dumbéa, dans l'agglomération de Nouméa, selon un correspondant de l'AFP.

Et dans la "capitale" calédonienne, des détonations importantes ont résonné dans les quartiers de Magenta et Tuband, selon une autre journaliste de l'AFP. Lundi matin, la zone industrielle où se trouve la Société du nickel, dans le quartier de Montagne coupée à Nouméa, a vu l'incendie d'un entrepôt dont se dégageait une épaisse fumée noire.

Les gendarmes "sont passés, ils ont déblayé, et nous, on est restés sur le côté", a confié dimanche à l'AFP Jean-Charles, la cinquantaine, tête enturbannée d'un foulard et drapeau kanak à la main à La Tamoa, à quelques kilomètres de l'aéroport. "Une fois qu'ils sont passés, on a remis le barrage".

Depuis le début de la semaine, les violences ont fait six morts, le dernier en date samedi, un Caldoche (Calédonien d'origine européenne) à Kaala-Gomen, dans la province Nord. Les cinq autres morts sont deux gendarmes et trois Kanak (autochtones), dans l'agglomération de Nouméa.

Risque d'"escalade"

Globalement, la reconquête des routes et quartiers bloqués devrait être un travail de longue haleine, alors que les dégradations continuent et que les forces de l'ordre estiment le nombre d'émeutiers entre 3.000 et 5.000. "Nous restons dans une démarche pacifique", a indiqué dans un communiqué lundi la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), collectif indépendantiste accusé par les autorités d'attiser les violences au contraire.

La CCAT se défend en indiquant qu'elle a seulement appelé à des barrages "filtrants", qui laissent le passage à certains véhicules, y compris les pompiers ou ambulances à toute heure, et en arrêtent d'autres. La maire de Nouméa, Sonia Lagarde (Renaissance), a appelé lundi à la retenue. "Les esprits sont assez échauffés parce que ça fait une semaine maintenant. Moi j'ai peur qu'on ne franchisse une escalade supplémentaire, parce que s'il commence à y avoir des tirs ça veut dire que les gens bien sûr, on le sait, sont armés", a-t-elle déclaré sur BFMTV.

Pour le haut-commissaire, les dégâts contre les infrastructures pénalisent lourdement la population. "Des écoles ont encore été détruites", de même que "des pharmacies, des centres vitaux d'approvisionnement alimentaire, des surfaces commerciales", a listé dimanche Louis Le Franc. "On commence à manquer de nourriture", prévenait-il.

"Proche de l'enfer"

"L'île la plus proche du paradis est devenue l'île la plus proche de l'enfer", ont écrit les Eglises catholique et protestantes de Nouvelle-Calédonie dans une déclaration commune lue aux messes et cultes de Pentecôte, lançant "un vigoureux appel à l'arrêt des violences".

Les mesures exceptionnelles de l'état d'urgence sont maintenues, à savoir le couvre-feu entre 18h00 et 6h00 (9h00 et 21h00 à Paris), l'interdiction des rassemblements, du transport d'armes et de la vente d'alcool et le bannissement de l'application TikTok.

L'interdiction de ce réseau social, destinée notamment à limiter les contacts entre émeutiers, fait l'objet d'un recours d'associations de défense des libertés qui sera examiné en urgence mardi par le Conseil d'Etat. La réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres vise à élargir le corps électoral aux scrutins provinciaux de Nouvelle-Calédonie, au risque de marginaliser "encore plus le peuple autochtone kanak", selon les indépendantistes. Elle a été adoptée par les députés, après les sénateurs, dans la nuit de mardi à mercredi.

Ce texte doit encore être voté par les parlementaires réunis en Congrès avant la fin juin, sauf si un accord sur un texte global entre indépendantistes et loyalistes intervient d'ici là. Le consensus semble moins net sur un report de la convocation du Congrès, dont la date n'est pas arrêtée.

En outre-mer, les présidents de plusieurs exécutifs (région Réunion, département de la Guadeloupe, collectivités territoriales de Martinique et de Guyane) et près d'une vingtaine de parlementaires ont demandé le "retrait immédiat" de la réforme pour empêcher une "guerre civile".