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avec AFP // Crédits : Delphine Mayeur / AFP , modifié à
Le Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a assuré que "l'ordre républicain sera rétabli, quoi qu'il en coûte", alors que l'État est passé à l'offensive pour mettre fin aux violences sur l'archipel. Après six jours d'émeutes, les habitants vivent toujours dans la peur.
L'ESSENTIEL

L'État est passé à l'offensive dimanche en Nouvelle-Calédonie pour tenter de "reprendre totalement la maîtrise" du territoire, avec d'abord une opération d'envergure des gendarmes sur la route entre Nouméa et l'aéroport international, après six morts en six jours d'émeutes. La colère des indépendantistes, provoquée par une réforme du corps électoral de l'archipel du Pacifique sud, a enclenché un cycle de violences marquées par des jours et des nuits d'incendies, d'affrontements et de barrages.

Les informations à retenir :

  • Le Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a assuré que "l'ordre républicain sera rétabli, quoi qu'il en coûte"
  • Les présidents des régions Réunion, Guadeloupe, Martinique et de la collectivité de Guyane ont demandé dimanche le "retrait immédiat" de la réforme du corps électoral en Nouvelle-Calédonie
  • Gérald Darmanin a annoncé sur X une "grande opération de plus de 600 gendarmes" pour débloquer la route qui mène à l'aéroport de Nouméa
  • De nouveaux dégâts ont été constatés dans la nuit de samedi à dimanche, notamment à Nouméa
  • En tout, six personnes sont mortes et des centaines d'autres ont été blessées depuis le début des émeutes

"L'ordre républicain sera rétabli, quoi qu'il en coûte", a déclaré dimanche à Nouméa le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, alors que l'État est passé à l'offensive pour tenter de mettre fin aux violences qui ont plongé le territoire du Pacifique sud dans la crise. "Je veux dire aux émeutiers : stop, retour au calme, rendez vos armes", a ajouté Louis Le Franc lors d'un point de presse retransmis par la télévision publique Nouvelle-Calédonie La 1ère. Le représentant de l'État a annoncé de nouvelles opérations des forces de l'ordre dans les prochaines heures pour reprendre l'entier contrôle du territoire.

Quatre présidents de régions d'outre-mer demandent le "retrait immédiat" de la réforme

Les présidents des régions Réunion, Guadeloupe, Martinique et de la collectivité de Guyane ont demandé dimanche le "retrait immédiat" de la réforme du corps électoral en Nouvelle-Calédonie, décriée par les indépendantistes et à l'origine de violences dans le territoire du Pacifique sud depuis six jours.

"Seule la réponse politique mettra fin à la montée des violences et empêchera la guerre civile. Nous, élus des outre-mer, demandons solennellement au gouvernement le retrait immédiat du projet de loi de réforme constitutionnelle visant à changer le corps électoral pour les élections en Nouvelle-Calédonie-Kanaky, comme préalable à la reprise d'un dialogue apaisé", écrivent les signataires de cette tribune publiée par le portail média public Outre-mer la 1ère.

Le texte est signé par la présidente de la région Réunion Huguette Bello (gauche), qui en est l'une des initiateurs, ainsi que par ses homologues de Guadeloupe Ary Chalus (majorité présidentielle), de Martinique Serge Letchimy (gauche) et de Guyane Gabriel Serville (gauche). Il est aussi paraphé par près d'une vingtaine de parlementaires représentant ces territoires ultramarins, mais aussi la Polynésie française, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

"Nous, élus des outre-mer, demandons solennellement au gouvernement le retrait immédiat du projet de loi de réforme constitutionnelle visant à changer le corps électoral pour les élections en Nouvelle-Calédonie-Kanaky, comme préalable à la reprise d'un dialogue apaisé", lit-on dans cette tribune. Selon les signataires, "la réponse sécuritaire qui consiste à mettre en place des mesures exceptionnelles - interdictions de circulation, assignations à résidence, perquisitions, ainsi que l'envoi de policiers et gendarmes supplémentaires - n'apporte pas de solution". "Ces réponses répressives risquent d'engendrer une spirale de violence et de compromettre le retour au calme attendu", craignent-ils.

"Grande opération" pour libérer la route vers l'aéroport de Nouméa

En l'absence de vols depuis et vers la Nouvelle-Calédonie, suspendus depuis mardi, l'exécutif français a donné la priorité à la route entre Nouméa et son aéroport international. Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé le début dimanche matin d'une "grande opération de plus de 600 gendarmes, dont une centaine du GIGN". Celle-ci doit permettre de "reprendre totalement la maîtrise de la route principale de 60 km". L'opération a consisté à faire partir de Nouméa un convoi pour supprimer tous les obstacles sur cette route. Il est fait entre autres de blindés de la gendarmerie et d'engins de chantier qui déblayent le passage. Toutefois, certains barrages supprimés par le convoi se reconstituent dès son départ.

Des journalistes de l'AFP ont constaté que dimanche à la mi-journée, à Nouméa et dans les communes avoisinantes, la circulation pour ceux qui voudraient sortir de l'agglomération en direction du nord-ouest restait entravée. Des indépendantistes filtrent le passage par de très nombreux barrages, faits de pierres et d'engins divers notamment. Si ces journalistes ont pu rejoindre l'aéroport de La Tontouta dans l'après-midi, il leur a fallu s'arrêter à divers barrages, dont certains tenus par des hommes munis de bâtons ou d'armes blanches. L'un d'entre eux, à Tamoa, a dit son intention de rester coûte que coûte : "On est prêt à aller jusqu'au bout, sinon à quoi bon?"

Nouveaux renforts attendus 

Rétablir cette circulation presse d'autant plus que la Nouvelle-Zélande et l'Australie ont annoncé dimanche avoir demandé à la France de pouvoir poser des avions, afin de rapatrier leurs ressortissants. "Nous sommes prêts à décoller et attendons l'autorisation des autorités françaises pour savoir quand ces vols pourront avoir lieu en toute sécurité", a indiqué dans un communiqué le ministre néo-zélandais des Affaires étrangères, Winston Peters. Son homologue australienne, Penny Wong, a affirmé sur X que des appareils de l'armée de l'Air étaient "prêts à s'envoler", mais que la France n'avait pas donné son accord.

Samedi, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie estimait que 3.200 personnes étaient bloquées en l'absence de vols, soit parce qu'elles ne pouvaient pas quitter l'archipel, soit parce qu'elles ne pouvaient pas le rejoindre. Les violences ont fait six morts, le dernier en date samedi après-midi, un Caldoche (Calédonien d'origine européenne) à Kaala-Gomen, dans la province Nord. Les cinq autres morts sont deux gendarmes et trois kanak, dans l'agglomération de Nouméa.

Le Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie a annoncé dimanche dans un communiqué l'arrivée prochaine de "plusieurs centaines de forces de sécurité intérieure, de soutien logistique et opérationnel et de sécurité civile", en plus des renforts déjà envoyés. "Au total, 230 émeutiers ont été interpellés" en près d'une semaine, a-t-il ajouté. Reprendre le contrôle devrait être un travail de longue haleine pour les forces de l'ordre. La violence dans certains quartiers chaque nuit montre que les émeutiers restent très déterminés.

"Il y a (...) des zones de non-droit (...) qui sont tenues par des bandes armées, des bandes indépendantistes, de la CCAT. Et dans ces endroits, ils détruisent tout", affirmait samedi sur BFMTV le vice-président de la province Sud de la Nouvelle-Calédonie, Philippe Blaise. La Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) est une organisation indépendantiste radicale, accusée par les autorités d'inciter à la plus grande violence.

Écoles fermées

Nouvel exemple des troubles dans la nuit de samedi à dimanche : d'après la chaîne de télévision publique Nouvelle-Calédonie La 1ère, la médiathèque du quartier de Rivière salée à Nouméa a été incendiée. Interrogée par l'AFP, la mairie de Nouméa a répondu dimanche matin n'avoir "aucun moyen pour le moment de le vérifier, le quartier étant inaccessible". Les mesures exceptionnelles de l'état d'urgence sont maintenues, à savoir le couvre-feu entre 18h00 et 6h00 (9h00 et 21h00 à Paris), l'interdiction des rassemblements, du transport d'armes et de la vente d'alcool et le bannissement de l'application TikTok.

Pour la population, se déplacer, acheter des produits de première nécessité et se soigner devient plus difficile chaque jour. De moins en moins de commerces réussissent à ouvrir et les nombreux obstacles à la circulation compliquent de plus en plus la logistique pour les approvisionner, surtout dans les quartiers les plus défavorisés. Dimanche matin, la province Sud, qui regroupe près des deux tiers de la population, a annoncé que les écoles resteraient fermées toute la semaine. "Ce temps devra permettre de finir de sécuriser les établissements scolaires, leurs accès et de faire un état des lieux des dégâts afin de retrouver le plus vite possible les conditions d'une reprise de l'enseignement, la semaine suivante, là où cela sera possible", a expliqué la province.

La réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres vise à élargir le corps électoral lors des scrutins provinciaux, au risque de marginaliser "encore plus le peuple autochtone kanak", selon les indépendantistes. Adopté mercredi par les députés, après les sénateurs, le texte doit encore être voté par les parlementaires réunis en Congrès, à une date non déterminée. Le passage de la flamme olympique en Nouvelle-Calédonie prévu le 11 juin a été annulé. "Priorité, vraiment, à la consolidation du retour à l'ordre public, et puis à l'apaisement", a expliqué à la presse la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra.