"Gilets jaunes" : revivez l'"acte 6" de la mobilisation à Paris et en régions

La situation s'est soudainement tendue en fin d'après-midi lorsqu'une centaine de "gilets jaunes" ont convergé vers les Champs-Élysées.
La situation s'est soudainement tendue en fin d'après-midi lorsqu'une centaine de "gilets jaunes" ont convergé vers les Champs-Élysées. © Sameer Al-Doumy / AFP
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avec AFP , modifié à
Les "gilets jaunes", déterminés à ne rien lâcher en dépit des mesures annoncées par le gouvernement et votées cette semaine, se sont remobilisés samedi pour un "acte 6".

Après l'essoufflement la semaine dernière, le rebond ? C'est en tout cas ce qu'espéraient les "gilets jaunes" qui ont rempilé samedi pour l'"acte 6" de leur mobilisation. Certes, les mesures en faveur du pouvoir d'achat annoncées par Emmanuel Macron au début du mois ont été votées à l'Assemblée cette semaine. Mais ce n'est pas suffisant pour les plus déterminés d'entre eux, qui prévoyaient samedi des actions un peu partout en France.

La sixième journée de mobilisation a rassemblé plusieurs dizaines de milliers de manifestants à travers le pays, en baisse par rapport au samedi précédent, avec des défilés épars, la poursuite de barrages routiers et quelques blocages aux frontières. En fin de journée, le ministère de l'Intérieur dénombrait 38.600 manifestants à travers le pays, contre 66.000 samedi dernier à la même heure.

Les informations à retenir 

  • 2.000 "gilets jaunes" ont marché dans les rues de Paris. 179 personnes ont été interpellées, dont 36 placées en garde à vue 
  • 38.600 manifestants ont été recensés samedi à 18h, contre 66.000 la semaine dernière, selon le ministère de l'Intérieur
  • En fin d'après-midi, des centaines de manifestants ont convergé vers les Champs-Élysées, où la situation s'est soudainement tendue

Rassemblement surprise à Montmartre, 2.000 personnes à Paris

À Paris, pour ce sixième samedi consécutif de mobilisation, la préfecture dénombrait 2.000 manifestants peu avant 16h, contre près de 4.000 à son maximum samedi dernier selon une source policière. Vers 18h dans la capitale, 179 personnes avaient été interpellées et 36 placées en garde à vue dans ou en marge des manifestations, la plupart pour des "attroupements en vue de commettre des violences".

En début d'après-midi, Éric Drouet, l'une des figures du mouvement, a été interpellé et placé en garde à vue. Il a été arrêté vers 14h15 rue Vignon, dans le quartier de la Madeleine, au milieu de quelques dizaines de manifestants. Selon une source judiciaire, ce porte-parole des "gilets jaunes" a été interpellé alors qu'il était porteur d'une matraque. Il a été placé en garde à vue pour des chefs d'organisation illicite d'une manifestation sur la voie publique, port d'arme prohibé de catégorie D, et participation à un groupement formé en vue de violences ou de dégradations. 

À Versailles, seuls plusieurs camions de CRS étaient visibles, ainsi qu'une soixantaine de manifestants vers midi. Ce nouveau lieu de rassemblement surprise semble confirmer les informations d'Europe 1 recueillies vendredi, selon lesquelles le choix de Versailles pouvait être une diversion pour mieux converger à Paris. Une figure des "gilets jaunes" nous avait confirmé qu'ils avaient volontairement publié de fausses informations sur Facebook, se sentant "surveillés" et voulant "brouiller les pistes". 

Le groupe d'environ 200 manifestants a ensuite quitté Montmartre et a déambulé dans le centre de Paris, encadrés par les forces de l'ordre. 

Alors que les manifestants n'avaient pas d'itinéraire précis, quelques tensions sont apparues avec les forces de l'ordre en début de cortège, au niveau de la gare Saint-Lazare.

Un autre groupe d'environ 150 manifestants est parti de l'Opéra vers la place de la République. Et un autre marchait aussi depuis la Madeleine vers l'Opéra. Les forces de l'ordre ont notamment fait usage de gaz lacrymogènes entre Hôtel de Ville et Notre-Dame. 

Accalmie sur les Champs-Élysées après une brusque montée en tension

Les manifestants, encadrés par des forces de l'ordre, ont quitté le 18ème arrondissement pour défiler dans le centre de la capitale, se séparant en groupes épars de dizaines de personnes déambulant sans itinéraire, parfois bloqués par les forces de l'ordre ou repoussés à coups de gaz lacrymogènes. Des "gilets jaunes" manifestaient encore sur les Champs-Élysées, mais loin des images d'avenue en état de siège d'il y a quelques semaines. La circulation y était relativement normale. Cafés, restaurants et magasins étaient ouverts, sauf quelques boutiques de luxe.

Toutefois, quelques scènes de tension se sont déroulées sur les Champs avec des mouvements de foule et l'utilisation de canon à eau par les forces de l'ordre.  

Des motards de la police ont été brièvement pris à partie par des manifestants, qui ont poussé à terre une de leurs motos et ont jeté des pavés et trottinettes sur les policiers. L'un des policiers a, pendant un court moment, dégainé son pistolet.

Après une heure de tension, les forces de l'ordre ont finalement procédé à l'évacuation des Champs-Élysées. La circulation a partiellement repris. 

Samedi soir, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a dénoncé un "visage raciste et pustchiste" derrière les violences, faisant notamment référence à "la quenelle de Dieudonné", un chant dont l'air est calqué sur le chant des Partisans, entonné par une vingtaine de "gilets jaunes" devant le Sacré Cœur. Une allusion à l'humoriste, devenu polémiste, Dieudonné, plusieurs fois condamné pour des propos racistes. Le porte-parole du gouvernement a aussi dénoncé le "lynchage" des policiers, après la prise à partie de motards de la police par des manifestants.

Plusieurs blocages aux frontières

Plusieurs blocages aux frontières avec l'Espagne, l'Italie ou l'Allemagne ont également été observés, après un appel en ce sens de certaines figures du mouvement. Des manifestations de "gilets jaunes" perturbaient aussi le trafic routier. Des centaines de "gilets jaunes" sont rassemblés au péage du Boulou près de la frontière espagnole. "Le roi Macron donne des miettes aux gueux", pouvait-on lire sur des banderoles de manifestants.

Selon Vinci, quelques entrées, sorties et barrières de péage ont été fermées sur le réseau, notamment sur l'autoroute A7. Des manifestations sont encore en cours sur une vingtaine de points. Dans le sud-est, 200 manifestants ont bloqué la circulation sur l'autoroute au poste frontière de Vintimille, dans les Alpes-Maritimes.

Manifestations en province

Les "gilets jaunes" ont manifesté dans de nombreuses villes de France et autour, avec des mobilisations assez importantes à Bordeaux et Toulouse. À Bordeaux, la mobilisation a rassemblé 2.600 personnes, selon la préfecture, contre 4.500 samedi dernier. Les forces de l'ordre ont fait usage de canons à eaux et de gaz lacrymogènes tandis que des manifestants lançaient projectiles, pétards et engins d'artifice.

Quelque 2.500 personnes ont manifesté à Toulouse, contre 4.500 samedi dernier, selon la préfecture de Haute-Garonne. Des échauffourées ont eu lieu dans l'après-midi dans la ville, entraînant par la suite un jeu du chat et de la souris dans les rues, entre forces de l'ordre et quelques groupes de "gilets jaunes". 

800 personnes se sont rassemblées à Nantes, où plusieurs incidents violents ont eu lieu dont "des tirs de mortiers en direction des forces de l'ordre qui ont fait 5 blessés légers", selon la préfecture de Loire-Atlantique. Environ mille "gilets jaunes" ont manifesté à Lille, et une centaine de l'autre côté de la frontière belge, à Bruxelles.

Une mobilisation en baisse, selon les autorités

Depuis le pic du 17 novembre et les 282.000 manifestants recensés en France, la mobilisation est en baisse selon les autorités: 166.000 le 24 novembre, 136.000 les 1er et 8 décembre et 66.000 le 15 décembre. Le ministère de l'Intérieur avait décompté 3.680 "gilets jaunes" jeudi, soit l'étiage le plus bas depuis le début du mouvement né en réaction à une hausse prévue des taxes sur les carburants - que le gouvernement a depuis annulée.

Vendredi, le Parlement a donné son feu vert à des mesures d'urgence annoncées pour répondre à la mobilisation populaire: défiscalisation des heures supplémentaires, exonération élargie de hausse de CSG pour des retraités et possibilité pour les entreprises de verser une "prime exceptionnelle" de 1.000 euros, exonérée de toutes cotisations sociales et d'impôt sur le revenu, pour leurs salariés rémunérés jusqu'à 3.600 euros.