Déprimé, l'ancien banquier arnaquait une cliente pour des "insultes racistes"

L'homme a détourné près de 400.000 euros auprès d'une octogénaire (photo d'illustration).
L'homme a détourné près de 400.000 euros auprès d'une octogénaire (photo d'illustration). © DAMIEN MEYER / AFP
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Salomé Legrand , modifié à
Un conseiller en patrimoine de 27 ans, accusé d'avoir détourné près de 400.000 euros, a décrit sa "fuite en avant" devant le tribunal de Bobigny vendredi. Le parquet a requis 18 mois de prison avec sursis. 

"Je voudrais expliquer comment quelqu'un qui n'a jamais volé un bonbon en vient à faire une telle bêtise..." Les épaules voûtées à la barre, l'ex-conseiller en patrimoine de LCL, décrit par sa hiérarchie comme timide et bosseur, s'accroche. Devant le tribunal de Bobigny, l'homme de 27 ans, poursuivi pour escroquerie et blanchiment, est accusé d'avoir détourné plusieurs centaines de milliers d'euros auprès d'une retraitée

Une arnaque presque parfaite. "Je l’ai d’abord aidée professionnellement", insiste-t-il, notamment à se dépêtrer avec un problème d’impôts. Il se rend même à son domicile pour retrouver des documents. Puis c’est le "craquage", le "suicide professionnel". Le banquier, auteur d'un mémoire sur la déontologie bancaire siphonne l'assurance vie de la femme de 89 ans : plus de 380.000 euros, avec lequel il arrose ses propres comptes. Même l'avocate de la banque le reconnaît : sur la forme, « tout était nickel » l'arnaque était parfaite. Le directeur adjoint de la banque a même contresigné le transfert de fonds. 

Le jeune homme était parvenu à déjouer les alertes blanchiment déclenchées par le nouveau train de vie de la retraitée, jusque-là habituée à dépenser 16 euros par jour pour son déjeuner - dont elle garde un part pour dîner - et en moyenne cinq retraits de 100 euros par mois. Quand Tracfin s’alarme de la voir dépenser près de 13 000 euros sur Amazon, le banquier ne se démonte pas et réplique "La cliente nous fait part de sa crainte des faillites des banques". Culotté. C'est finalement le directeur de son agence qui, au détour d'une banale vérification d’adresse, a découvert la supercherie. 

Des injures racistes. Malgré l’heure tardive de l’audience, l'homme tient tête au tribunal et décrit une "fuite en avant" : "rien n'était réfléchi, j'achetais des vêtements en L alors que je faisais du triple XL, des sacs de voyage alors que j'ai pas quitté la France..." Remonté derrière ses petites lunettes sages, il revient sur les six mois qui ont précédé son passage à l'acte, lorsqu'il était submergé, "enseveli" par la charge de travail dans son agence d'Aubervilliers. Il atteint alors les 130 kilos et ne dort plus. La "goutte d'eau" ? Le jour où la riche octogénaire a proféré devant lui des "injures racistes" - qu'il refuse de répéter au tribunal. 

Pour justifier l'achat de quatre lingots d'or et d'un appartement une fois l'arnaque découverte, l'ancien banquier va jusqu'à évoquer un plan consistant à les faire fructifier pour pouvoir rembourser la retraitée... "Je suis conseiller en patrimoine", rappelle-t-il devant un tribunal désarçonné, mi-amusé mi-circonspect. Pour la procureure qui requiert 18 mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve les faits sont "inqualifiables".. La décision est attendue le 12 janvier prochain.