L'annulation du contrat du siècle va entraîner le départ d'ingénieurs australiens et de leur famille. 1:38
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Sandrine Prioul avec Thibaud Hue , modifié à
Le "contrat du siècle", portant sur l'achat de sous-marins à la France par l'Australie, va priver Paris de 35 milliards d'euros. Mais il y a d'autres victimes collatérales. À Cherbourg, une école bilingue risque de perdre bien des élèves et des salariés avec le départ des ingénieurs australiens.
REPORTAGE

"On est vraiment des victimes collatérales." À Cherbourg, Séverine Chesnel Baudry ne cache pas sa déception. Elle est la directrice d'une école Montessori bilingue français-anglais. Et pour elle, le "contrat du siècle" signé entre la France et l'Australie pour l'achat de sous-marins conventionnels à hauteur de 35 milliards d'euros était une aubaine. Des dizaines d'Australiens, pour la plupart ingénieurs, avaient posé leurs valises ici pour trois ans minimum, inscrivant leurs enfants à l'école. Tout vient de s'écrouler avec l'annulation brutale du contrat, dans la nuit de mercredi à jeudi, Canberra ayant finalement préféré acheter du matériel américain.

"C'est très violent"

"On n'avait pas créé spécifiquement cette école pour les Australiens mais clairement, c'est une école bilingue, c'est une ouverture, une volonté de désenclaver un peu Cherbourg", pointe Séverine Chesnel Baudry, qui redoute la fuite des familles. "C'est très violent. [Les enfants] prennent des cours, ils progressent en français. Certains enfants avaient un peu de mal à s'intégrer. Enfin, on a fait ce travail, et maintenant il faut tout recommencer ailleurs, c'est très dur."

Dans cet établissement, un quart des mères de famille et la moitié des salariées sont australiennes. Certaines sont des femmes d'ingénieurs, venues s'installer au bout du Cotentin, à 20.000 kilomètres d'Adelaide, leur lieu de vie, et avaient trouvé un job de professeur d'anglais, organisé la fête nationale australienne. Mercredi, elles sont tombées des nues. 

Naval Group interdit aux salariés et à leurs familles de parler

Ces femmes-là, leurs maris aussi, voulaient raconter leur incompréhension et crier leur colère jeudi matin... jusqu'à ce que Naval Group, le fleuron de l'industrie navale qui vient de perdre son contrat juteux, les en dissuade. Trop d'enjeux diplomatiques et financiers...

Ne restait donc jeudi que Séverine Chesnel Baudry pour raconter le vide que fera le départ des Australiens. "C'est un coup d'arrêt", souffle celle dont l'école cohabitait désormais avec une antenne spécifique de l'Alliance française. La directrice n'espère maintenant qu'une chose : entendre bientôt les parents d’élèves lui annoncer qu'ils ont choisi de prolonger leur séjour en France.