Sous-Marins 2:55
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Emmanuel Duteil et Sandrine Prioul, à Cherbourg
L'Australie a décidé de se doter de sous-marins à propulsion nucléaire en partenariat avec les États-Unis et le Royaume-Uni, annulant de facto un contrat de 31 milliards d'euros avec la France. Pour l'industriel Naval Group, c'est une véritable douche froide aux conséquences encore incertaines.
DÉCRYPTAGE

C'est un contrat torpillé : l'Australie a décidé de ne pas honorer le contrat qui la liait à la France depuis 2016 pour la livraison de sous-marins conventionnels, contrat de plus de 31 milliards d'euros. Ce choix s'explique par l'alliance passée par le pays avec les États-Unis et le Royaume-Uni dans le cadre d'un vaste partenariat de sécurité dans la zone indo-pacifique.

300 Français déjà en Australie

Du côté français, en revanche, c'est la stupéfaction, l'incrédulité et l'écœurement. Personne n'a de mots assez forts pour dénoncer ce retournement. Tout était lancé, alors que Naval Group a déjà près de 300 personnes en Australie en ce moment. Des contrats ont déjà été passés avec des sous-traitants australiens. Certes, il y avait souvent des rumeurs autour de ce contrat. Certains avaient des doutes sur le fait qu'il irait à son terme. On savait qu'il était régulièrement attaqué, mais au plus haut niveau de l'Etat, les Australiens avaient assuré que ce contrat serait honoré.

Mais voilà, Joe Biden et les États-Unis ont tout fait capoter. Ils ont agité la menace chinoise et ont posé sur la table un accord à trois de défense entre l'Australie et la Grande-Bretagne. Les trois dirigeants l'ont annoncé tard, mercredi soir, en grande pompe. La France et ses sous-marins conventionnels sont coulés. Place à des sous-marins nucléaires américains, ce qui risque en tout cas de jeter un énorme froid sur les relations entre la France et les États-Unis. 

Inquiétude à Cherbourg

À Cherbourg, où se trouve une usine de Naval Group, les réunions de crise s'enchaînent, avec la direction du groupe, les partenaires sociaux et la communication. Quid des salariés qui travaillaient dans la ville du Cotentin depuis cinq ans sur le projet australien ? Quid de ces 300 Français partis à Adélaïde partager leur savoir-faire ?

Naval Group, fleuron de l'industrie navale qui vient de se voir dérober son "contrat du siècle", accuse le coup. "Il y a un gros impact économique et social. On est à peu près sur 650 personnes en France et 300 en Australie, que ce soit des nationaux ou des Français. Il y a donc un gros sujet de reclassement", estime José Batista, délégué syndical CFE-CGC de Naval Group.

Quid du carnet de commandes ?

"La chance qu'on a, c'est qu'on a un carnet de commandes qui est quand même suffisamment généreux et notamment sur Cherbourg", tempère le syndicaliste. "On n'est n'est pas trop inquiet sur le reclassement des personnels. Toutefois, en termes de social, ce n'est jamais évident. On avait encore une quarantaine de familles qui devaient venir dans quinze jours australiennes sur Cherbourg s'installer justement pour poursuivre le contrat. Et puis là, du jour au lendemain, tout s'arrête." Pour les salariés de Cherbourg, comme pour l'ensemble du groupe, il va falloir se relever après un tel cataclysme.