Ces questions que vous vous posez sur les droits de succession

Emmanuel Macron a affirmé lundi qu'il n'y aura pas de modifications des droits de succession durant son quinquennat.
Emmanuel Macron a affirmé lundi qu'il n'y aura pas de modifications des droits de succession durant son quinquennat. © AFP
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Clémence Olivier , modifié à
Tous les Français sont-ils vraiment taxés à 45 % sur un héritage ? Peut-on déshériter ses enfants ? Au micro de Wendy Bouchard, sur Europe 1, une notaire et un économiste, tentent de déjouer les clichés.
ON DÉCRYPTE

C'est un sujet hautement sensible. Lundi, Emmanuel Macron a tenté de rassurer les Français en général, et les retraités en particulier, en affirmant qu'il n'y aura pas de modifications des droits de succession durant son quinquennat. Quelques jours avant, Christophe Castaner avait expliqué vouloir "ouvrir une réflexion sans tabou  sur la fiscalité des successions" relançant un débat récurrent et explosif.

>> Connaissons nous vraiment bien toutes les spécificités des droits de succession ? Tous les Français sont-ils vraiment taxés à 45 % sur un héritage ? Et peut-on déshériter ses enfants ? Au micro de Wendy Bouchard, dans Le tour de la question sur Europe 1, Jean-Marc Daniel, économiste et professeur à l'ESCP Europe et Nathalie Couzigou-Suhas, notaire à Paris, auteur de L’Héritage pour les Nuls, décortiquent les idées reçues.

>> De 9h à 11h, c’est le tour de la question avec Wendy Bouchard. Retrouvez le replay de l’émission ici

Le taux d'imposition français sur les successions est l'un des plus élevés au monde

VRAI. La France est le troisième pays au monde, derrière le Japon et la Corée du sud, à ponctionner le plus en cas de transmission entre les parents et les enfants. En France, il s'élève à 45 %, contre 30 % en Allemagne et seulement  4 %, par exemple, en Italie. "La France est un pays qui ponctionne beaucoup, en général. Donc on ponctionne sur l'héritage, comme on ponctionne ailleurs", précise Jean-Marc Daniel, économiste et professeur à l'ESCP Europe.

"Les droits de succession ont été instaurés à la Révolution française au nom du principe de redistribution sociale", rappelle Nathalie Couzigou-Suhas, auteur de L’Héritage pour les Nuls. "A l'époque, le taux était de 1%. En 1920, il est passé à 40% quand les finances de l'Etat étaient à sec, avant d'être réduit dans les années 1960". "Et depuis 2011, il y a une montée en puissance de cette fiscalité car les finances publiques sont dans un mauvais état", complète Jean-Marc Daniel.

On est taxé systématiquement à 45 % sur une succession

FAUX. La France possède le taux d'imposition sur les successions directes (parents-enfants) le plus élevé d'Europe (45 %) mais il ne s'applique pas à tout le monde. "Cela fait 25 ans que je suis notaire et je n'ai vu le taux de 45 % appliqué que dans un seul cas", souligne Nathalie Couzigou-Suhas. 'Car le taux est progressif et il existe des abattements". L'Etat ne peut ponctionner de l'argent sur l'héritage entre parents et enfants que si son montant dépasse 100.000 euros. "Pour que l'Etat prenne 45 % de la valeur de notre héritage, il faut percevoir 1,8 million par enfant. C'est une très grosse fortune", pointe-t-elle, ajoutant que beaucoup de personnes ont également pris le soin de faire des donations à leurs enfants de leur vivant pour alléger la succession.

Ainsi, aujourd'hui, en France, 75 % des successions ne donnent pas lieu à taxation. "Il faut arrêter de dire qu'il y a beaucoup de droits de succession, ce n'est pas faux, mais pour payer 45 %, il faut un énorme patrimoine et ne pas avoir transmis de son vivant", insiste la notaire. En revanche, le barème change si l'on hérite d'une tante ou d'un conjoint auquel l'on n'est ni marié, ni pacsé.

Les droits de successions rapportent autant à l'Etat que la TVA

FAUX. Les droits de successions rapportent 12 milliards d'euros par an à l'Etat. C'est deux fois plus que ce que rapporte l'impôt sur la fortune et dix fois moins que ce que rapporte la TVA, payée par tous les Français. "C'est un impôt symboliquement très fort, mais dans la réalité il rapporte relativement peu", soutient l'économiste Jean-Marc Daniel.

Il est possible de déshériter ses enfants

FAUX. Il n'est pas possible en France de déshériter ses enfants. La loi précise que ces derniers doivent toucher au moins une part définie de l'héritage, 50% pour un enfant unique, 66% pour deux enfants, 75% pour trois enfants et plus.

Par exemple, une mère de quatre enfants qui souhaiterait léguer toute sa fortune à une association, ne pourrait le faire que si ses héritiers renonçaient à demander leur part. "Mais s'ils s'opposent au testament, la mère ne pourra léguer qu'un quart de sa fortune à l'association", précise Nathalie Couzigou-Suhas.

Un ayant-droit peut refuser un héritage

VRAI. Les héritiers peuvent renoncer à une succession. Si celle-ci est déficitaire, les enfants n'ont aucune obligation de payer les dettes. "Si vous acceptez, vous prenez le tout. Mais vous pouvez aussi refuser le tout, sauf les frais funéraires", explique la notaire. "Dans ce cas là, l'État ne prend pas en charge les dettes. Ce sont les créanciers qui ne seront pas payés".

Mais les héritiers peuvent également refuser une succession bénéficiaire. "Certains renoncent à toucher l'argent de leurs légataires car ils estiment qu'ils n'avaient pas d'atomes crochus avec eux et que ce n'est alors pas moral d'en profiter", détaille Nathalie Couzigou-Suhas.

Certaines personnes qui vont hériter à l'âge de 50 ou 60 ans vont préférer aussi renoncer à leur dû afin qu'il soit transmis directement à leurs enfants, comme cela est possible depuis quelques années. "Ils se disent que leur vie est déjà faite", ajoute la spécialiste. "Ils estiment, par exemple, que cet argent sera plus utile à leur enfants pour acheter ou monter une entreprise".