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avec AFP
Au troisième jour du procès du meurtre de Mireille Knoll, tuée à coups de couteau le 23 mars 2018, le parcours de l'octogénaire a été passé en revue, de son enfance heureuse à sa fin de vie à Paris, en passant par sa personnalité. La question du caractère antisémite du meurtre a aussi été évoquée.

"Chaleureuse", "pétillante", "bienveillante"… Les mêmes termes laudatifs ont tourné jeudi aux assises de Paris pour décrire Mireille Knoll, "petit bout de femme douce" de 85 ans et de confession juive. Elle a été tuée à coups de couteau puis brûlée, le 23 mars 2018, dans son appartement parisien. Une touche de gaieté a marqué le troisième jour du procès de ses deux meurtriers présumés, Yacine Mihoub, 32 ans, et Alex Carrimbacus, 25 ans, à l'évocation de la manière si "attachante" qu'avait Mireille Knoll "d'égayer la vie de son entourage" et de voir "la vie tout en rose". 

La sienne fut pourtant "une vie singulière traversée de drames", résume le président de la cour. Ses parents, d'abord. Son père, tailleur, né en Ukraine et détenteur d'un passeport brésilien parce qu'il avait un temps vécu là-bas. Sa mère, femme au foyer venue de Pologne. Tous deux avaient fui les pogroms et trouvé refuge en France.

Mireille Knoll, "la jolie petite brune coquette et joyeuse"

L'enfance est heureuse, raconte l'enquêtrice de personnalité. Jusqu'en 1941, quand le père, "pressentant un danger imminent" pour les juifs, part en zone libre avec le frère de Mireille. Une année de séparation douloureuse pour "la petite princesse de la famille". En juillet 1942, Mireille parvient à s'enfuir de Paris avec sa mère, "le jour où elle apprend que la rafle du Vel D'Hiv a lieu" - la plus grande arrestation de Juifs dans le pays pendant la Seconde guerre mondiale.

La famille, à nouveau réunie, vivra au Portugal, puis au Canada, avant un retour en France où les parents bataillent pour récupérer leur logement dans le Marais à Paris, squatté par le concierge. Puis "la jolie petite brune coquette et joyeuse" rencontre Kurt, qui a grandi en Autriche et est rescapé d'Auschwitz. Une période en camp dont le père ne dira "rien à ses enfants", ce dont "on a énormément souffert", témoigne au procès Daniel Knoll, l'un de leurs fils. 

Mireille fut une "mère très aimante", selon l'enquête de personnalité. Elle fut aussi une femme coquette, dynamique, avide de sorties, à l'image de son amie Renée Jean, au témoignage tout en couleurs. Veste en cuir, créoles dorées et paupières fardées, l'amie de 85 ans évoque les cinémas, les restaurants et les virées en voiture avec "Daniel", l'amour de Mireille depuis qu'elle avait 72 ans. Alors divorcée, elle l'avait rencontré à Venise lors d'un voyage organisé. Lui aussi était un rescapé des camps de la mort. Il est aussi question devant la cour de son respect des traditions et des fêtes juives. Puis des revenus de celle qui ne travailla que très peu de temps, comme garde-malade, et vivait depuis la fin des années 1950 dans un logement social de 55 m2 dans l'est parisien.

"Rien à voler chez Maman"

La question du caractère antisémite de son meurtre est au cœur du procès. Alex Carrimbacus dit avoir été appelé par Yacine Mouhib pour un "plan thunes" pour le rejoindre chez la victime. Le second accuse le premier d'avoir demandé si Mireille Knoll était "blindée". Mireille avait "800 euros de revenus, APL (aide personnalisée au logement) comprise", assure son fils Daniel. Et d'ajouter, sans un regard pour l'accusé Yacine Mihoub, qu'il nomme "le monstre" : "Il la connaît depuis l'âge de huit ans", sa mère habitant dans le même immeuble que Mireille Knoll. "Il sait très bien qu'il n'y a rien à voler chez maman. Je ne comprends pas."

Des vols ont pourtant été commis lors de cet après-midi du 28 mars au déroulé toujours flou, chacun des accusés se renvoyant la responsabilité de la mort de la frêle dame de 45 kg, malade de Parkinson, physiquement très diminuée. Un élément a agité les débats jeudi : un couteau de cuisine à longue lame, fortuitement découvert par le frère de Yacine Mouhib chez lui, derrière la machine à laver. Leur mère assure que c'est le sien, les enfants de Mireille Knoll qu'il appartenait à la victime. "Je l'ai amené chez mon frère" lorsqu'il était "en vacances", a tranché sans se démonter Yacine Mihoub. "Il n'y a que des couteaux à bout rond chez lui." Quand le président lui demande pourquoi il l'a placé derrière la machine à laver, l'accusé répond, sans terminer sa phrase : "Vous savez, quand je suis alcoolisé, je fais des choses…".