Assises du Val-de-Marne : des viols entre adolescents jugés quinze ans après les faits

Le procès des deux trentenaires s'ouvre vendredi aux assises de Créteil.
Le procès des deux trentenaires s'ouvre vendredi aux assises de Créteil. © JACQUES DEMARTHON / AFP
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avec AFP , modifié à
Deux trentenaires sont jugés aux assises de Créteil à partir de vendredi, soupçonnés d'avoir violé une adolescente alors qu'ils avaient 17 ans, en 2002.

Comment juger des trentenaires accusés de viol à 17 ans, quand le dossier a pris la poussière pendant plus d'une décennie ? La cour d'assises des mineurs du Val-de-Marne se posera la question lors d'un procès qui s'ouvre vendredi. Les faits remontent à 2002 : une adolescente de 14 ans a un rapport sexuel consenti avec un garçon de 17 ans à Saint-Mandé, en banlieue parisienne. Quelques mois plus tard, le jeune homme lui montre un film de leurs ébats, tourné par des amis. La vidéo aurait ensuite servi de moyen de pression au jeune homme pour violer à plusieurs reprises la jeune fille, parfois avec quatre amis.

Deux suspects renvoyés aux assises. En 2005, l'adolescente porte plainte. L'instruction débouche sur un non-lieu pour trois suspects, qui reconnaissent des relations sexuelles consenties avec elle. Le principal instigateur, qui assure avoir détruit la vidéo, est renvoyé devant les assises. C'est aussi le cas d'un de ses amis, 18 ans lors des faits, le seul à avoir reconnu le chantage. Une affaire criminelle comme on en voit dans d'autres prétoires, à un détail près : l'instruction a duré plus de onze ans, "sans aucune raison valable", disent les avocats de l'accusation comme ceux de la défense.

Une instruction particulièrement longue. La présidence du tribunal de Créteil explique que quatre juges d'instruction se sont succédé sur le dossier. Elle reconnaît un "délai de traitement anormalement long"; très loin de la moyenne nationale de deux ans et demi pour une instruction judiciaire, mesurée par les dernières statistiques du ministère de la Justice. "Cela a duré si longtemps que le dernier acte d'instruction est une lettre d'excuse du juge", explique Mickaël Doulikian, l'avocat d'un des accusés.

Victime et suspects devenus trentenaires. Quinze ans après les faits donc, les deux prévenus, qui comparaîtront jusqu'au 22 mars, ont 33 et 32 ans. L'un est devenu pompier, l'autre travaille dans la restauration. Aucun n'a commis d'infraction depuis les faits, selon leurs avocats. La victime, elle aussi trentenaire, attend son deuxième enfant. Sa grossesse l'empêchant de se déplacer, elle sera entendue par visioconférence. "Elle avait pratiquement abandonné tout espoir de voir cette affaire jugée", raconte son avocat Mahieddine Bendaoud.

Manques de moyens de la justice. "C'est un cas d'école, qui reflète le manque de moyens de la justice et qui montre la prise en charge déplorable des victimes", estime par ailleurs Mahieddine Bendaoud. Les deux suspects encourent jusqu'à 20 ans de réclusion criminelle : une peine "impensable", selon les avocats des deux parties. "Ce n'est pas parce qu'une vie a été brisée que d'autres doivent l'être", dit Me Bendaoud, qui en conclut : "L'essentiel, c'est que ma cliente soit reconnue comme victime. Psychologiquement, c'est très important pour elle".